Tenerife, La Palma: toujours se méfier du volcan qui dort…
Deux îles, deux géants: le Teide et le Cumbre Vieja. Le premier attend son heure, le second crache son feu depuis plus d’un mois. Ces dernières semaines, nous avons eu la chance immense de pouvoir les approcher. De sentir la Terre d’un peu plus près. Et elle respire…
20 octobre 2021, 15h – Marina de San Miguel, Tenerife, Canaries
Enfin le Graal: une voiture!
Ici, les véhicules de location sont une denrée rare. L’exploration proprement dite va pouvoir commencer.
21 octobre 2021, 18h – Marina de San Miguel
Aujourd’hui, balade jusqu’au village de Masca dans le parc naturel du Teno, au Nord-Ouest de Tenerife. Sur la route en lacets, à chaque virage, les bus doivent manœuvrer. Ça laisse le temps d’admirer le paysage.
Palmiers et cactus à foison. Ravins abyssaux qui tombent dans la mer. Arrivés au village, quelques maisons se cramponnent au bord du précipice. Celui-ci est interdit d’accès: suite à plusieurs accidents, le chemin de randonnée qui le longe jusqu’à la plage est soumis à quotas. Nous tentons notre chance à l’office du tourisme: pas de place avant début décembre. Le barranco de Masca ne sera pas pour nous.
22 octobre 2021 – Marina de San Miguel
4 heures – Ce soir, avons reçu à dîner Marina, Hervé et leurs trois grands enfants: Judith, Yan-Salaun et Ivan. Ils habitent le catamaran du bout du ponton. Leur projet: naviguer une année complète, et à plus court terme, rallier le Sénégal. Comme le voilier Béaj que nous avions croisé à Madère, ils ont une cargaison d’équipement à y laisser, pour le compte de l’association Voiles Sans Frontières. Tout cela nous donne l’occasion de parler Afrique, humanitaire, politiques de développement… sujets qui nous tiennent à cœur. Quatre heures du matin, on vient de finir.
15h50 – Un voilier vient de nous rentrer dedans, dans la marina! Il y a du vent, il allait trop vite. Il est venu taper dans le nez de Jade. Un bout de plastique a sauté au niveau du davier d’étrave.
Bon. L’avantage d’avoir un bateau en aluminium dont la coque fait plus d’un centimètre d’épaisseur c’est qu’en général, l’autre bateau a plus de soucis à se faire que nous.
24 octobre 2021, 19h – Marina de San Miguel
Hier, avons marché dans la pinède juste en-dessous du Teide. Départ du village de Vilaflor, 1 400 mètres, qui se targue d’être le plus haut d’Espagne. Ici, les arbres ont les pieds dans la lave durcie. Le pin canarien a développé une résistance au feu que nombre de ses congénères doivent lui envier. Vivre en harmonie avec le volcan, c’est donc possible.
Aujourd’hui, avons traversé Tenerife de part en part pour la première fois depuis notre arrivée, il y a vingt jours. Sommes passés par le parc naturel du Teide, au cœur de l’île. Première rencontre avec le géant. Caldera immense (17 kilomètres de diamètre), minérale, toute de bruns et ocres. Quelques reflets vert-bleu là où le soufre, un jour, passa. Contraste frappant avec le Ngorongoro, en Tanzanie, l’autre caldera que nous connaissons: la cuvette tanzanienne est toute verte, peuplée de lions et d’herbes hautes. Ici aucune plante, aucun animal. Aucune vie. C’est que le Teide, lui, ne fait que dormir.
L’île, pour nous, a changé de visage. Il y a ce monstre là-haut, à 3 715 mètres d’altitude, seul, qui domine tout. Depuis la côte Sud et ses stations balnéaires alignées, on ne devine pas sa grandeur. La dernière coulée de lave dans la caldera date de la fin du XVIIIème siècle. Menace permanente sur la tête des hommes.
Ce soir, attendons Catherine et François, du voilier Storia-Storia, dont nous suivons la chaîne Youtube depuis le premier confinement. Nous les avions déjà croisés il y a quelques semaines, à Porto-Santo, Madère. Fabienne et Pascal, rencontrés lors de notre premier mouillage à Tenerife, viennent compléter cette bonne compagnie. Accueil maison aux pâtes-sauce tomate-champignons-chorizo. Comme on sait faire.
26 octobre 2021, 19h – Marina de San Miguel
Aujourd’hui, randonnée de cinq heures avec la famille de Macajou, le sister-ship de Jade. Marche jusqu’au sommet du Mont Guajara, à 2 717 mètres d’altitude, face au Teide. 700 mètres de dénivelé à la montée, idem à la descente.
Sur le chemin, au-dessus des nuages, les enfants se chamaillent pour être le premier dans la file après Christophe, qui ouvre la marche. Tout le monde marche bien, personne ne râle. Les bouts de choux nous épatent.
29 octobre 2021, 6h45 – Marina de San Miguel
Hier, avons rendu la voiture de location en prévision de notre weekend à La Palma pour aller voir le volcan en éruption. Le soir, avons dîné à bord avec Emilien, un ami skipper de passage. Il vient de convoyer un catamaran de vingt mètres des Baléares jusqu’ici. Avec ses deux collègues, ils parlent de leur métier: vivre sur des bateaux de luxe le temps d’une navigation, puis repasser à la vie « normale ». Un autre monde.
Ce matin, départ pour La Palma. Dormi cinq heures. Un peu dans les choux. Nous laissons Jade au port pour deux jours, ce qui ne nous est pas arrivés depuis Séville, début août!
Aujourd’hui, cela fait cinq mois que nous avons quitté La Rochelle.
En complément de notre article sur La Palma, une vidéo complète sur notre virée au pied du volcan en éruption!
31 octobre 2021, 10h30 – Santa Cruz de La Palma
Ce matin, petite balade en ville avant de quitter La Palma. Il faudra revenir plus longtemps. Avec le volcan en éruption, nous pensions ne pas pouvoir voir grand-chose de l’île… Or le cataclysme est relativement localisé. La Palma, avec ses bananiers et son petit charme provincial, nous a fait penser à Madère, que nous avons beaucoup aimé. En moins touristique.
Dans un quart d’heure nous rejoignons Harm, juste avant de sauter dans le ferry retour. Harm est ami de Claire et Philippe, nos voisins de Biarritz. Il est sur le point de s’installer définitivement à La Palma, en famille, et d’y monter une association environnementale qui mettrait un catamaran à disposition d’étudiants en biologie marine pour faire des recherches dans la zone. Biarritz-Santa Cruz de La Palma. Le monde est décidément petit.
2 novembre 2021, 19h40 – Marina de San Miguel, Tenerife
Ça y est. Novembre. En France, les bronchites débarquent. Pour nous, novembre veut surtout dire bientôt décembre (sisi). Et la traversée de l’Atlantique. Brrrrrr.
Aujourd’hui, journée avec Teofilo, ami canarien que nous avons rencontré lors de notre premier mouillage à Tenerife, croisé plusieurs fois depuis, et recroisé parfaitement par hasard sur le ferry pour La Palma. Avec Pascal et Fabienne, il nous a trimballés toute la journée dans sa camioneta bleue à travers tout Tenerife: falaises de Los Gigantes, parc du Teide, Puerto de La Cruz, Garachico. Déjeuner dans une superbe guachinche nichée au milieu des vignes. Côte de bœuf au feu de bois et vino tinto de la casa. Comme des coqs en pâte. Tout le long du trajet, parlé en espagnol du mieux que j’ai pu. Très bon exercice. Ce soir, complètement vannée.
19h30, notre ami nous souhaite bon voyage. Nous savons que cette fois, c’était la dernière. Cet homme est d’une générosité totalement hors-norme. On lui dit adiós la gorge nouée.
6 novembre 2021, 18h45 – Marina de San Miguel
Matinée éblouissante au sommet du Teide. Enfin. Cela fait trois semaines que nous l’avions réservée. Départ en bus avec un groupe, une guide, un petit bracelet autour du poignet… tout ce que j’aime. Mais je dois l’avouer: la guide fut intéressante, et la visite, grandiose. Je suis capable de reconnaître quand j’ai tort. Parfois.
Enfin un peu mieux compris ce volcan – et du même coup, les volcans en général. La caldera est en fait le reste d’un ancien volcan, beaucoup plus haut que l’actuel (dans les 5000 mètres, estiment les spécialistes), qui se dressait jadis en lieu et place du Teide. Son cône a basculé dans la mer lors d’une éruption. Décapité, le gros volcan. Au centre de la caldera actuelle, quelques roches verticales, les Roques de Garcia, sont les restes de l’immense cheminée magmatique de cet ex-volcan. Depuis, le « petit » Teide a poussé au milieu: 3500 mètres de montagne au-dessus du niveau de la mer, 3500 mètres en-dessous. Et 10 kilomètres environ en-dessous du plancher océanique, une chambre magmatique… qui se tient tranquille pour le moment.
Car le Teide dort. En son sommet des fumerolles, une odeur de souffre et des traînées jaunes au sol attestent de son activité. Le long du chemin Maria, notre guide, nous indique certaines failles dans le sol pour y glisser nos mains… que nous retirons vite. Une sorte de vapeur en sort, brûlante. Plus encore que le paysage pourtant grandiose, je crois que c’est cela, aujourd’hui, qui m’a le plus scotchée: sentir le souffle de la Terre. Respiration des profondeurs.
7 novembre 2021, 19h- Marina de San Miguel
Dernière soirée à la marina de San Miguel. Il est temps qu’on parte. On fête la chose en ouvrant notre première boîte de confit de canard avec Arnaud et Laetitia, de Macajou. Un confit de canard en boîte pour des toulousains – oui, c’est osé.
Envie de bouger. En voyageant en bateau, cette envie nous prend à un moment. J’ai remarqué. Elle veut dire qu’on est prêts. Prêts à se laisser de nouveau pousser par le vent, à laisser à terre notre confort, notre sécurité. Oui je sais. Il faut sûrement être un peu fous.
…être un peu fous… peut être…. mais heureux… surement !!!
bons vents et bonnes mers
Delphine et Dan
être fou??? Assurément mais surtout changez rien à vos réglages
à très vite pour un prochain récit, Bernard
Très bons commentaires et de jolies photos , bon vent pour la suite du voyage …