Macajou, le frère jumeau de Jade

Il n’y a qu’un seul bateau au monde du même modèle que Jade. On a fini par le trouver… en Méditerranée! (enfin, c’est plutôt lui qui nous a trouvés) Petit tour du propriétaire avec Arnaud et Laetitia, co-capitaines du navire.

 

Il est beau, il est bleu. Il s’appelle Macajou. En cette fin de journée, il s’avance dans le soleil couchant à travers la passe de Port Leucate, grand-voile affalée. À son rythme. Les bateaux qui le croisent ralentissent, leurs occupants tournent la tête, observent, s’étonnent. Comme avec Jade.

Après avoir cherché le grand voilier bleu une partie de l’après-midi le long des quais étrangement vides du mois de septembre en Méditerranée, Christophe a proposé que nous allions nous poser quelques minutes face à la mer. Pour voir. Pour prendre l’air. Au bout d’un quart d’heure, il m’a suggéré d’aller chercher mon appareil photo. Si possible, en courant. A peine le temps de revenir de la voiture, et le petit frère de Jade nous gratifiait d’une entrée en matière magistrale.

 

 

Car c’est bien le petit frère. Ou alors, un vrai faux-jumeau. Né un an après elle, il a bénéficié de l’expérience de ceux qui ont travaillé à l’aménagement de sa grande sœur. Même philosophie d’ensemble : un bateau robuste, en Strongall, qui ne gagnera pas de régate mais mènera sans encombre son équipage à travers les eaux les plus hostiles. A l’intérieur, par contre, chaque propriétaire a imprimé sa marque. Quelques différences techniques, aussi. Dix ans après leur construction, les deux voiliers viennent chacun de changer de mains et se préparent à appareiller pour les mêmes contrées, quasiment au même moment.

 

« Le fameux bateau bleu… c’est nous » !

 

Arnaud et Laetitia nous ont contactés début juillet. Le skipper qui les forme leur a dit que, à moins que sa mémoire ne lui joue un tour, un bateau du même type devait exister quelque part. Ils ont tapé « Sainte Marthe 46 Michel Joubert » sur Google et sont tombés sur notre blog. Plus précisément, sur la page où j’explique qu’il existe un autre bateau comme Jade, mais bleu, donc vachement moins classe. Ils nous ont laissé un commentaire et un smiley. Ça sert vraiment à plein de trucs, un blog.

Aujourd’hui, 12 septembre, nous sommes invités à monter à bord de Macajou avec notre paquet de spécialités basques sous le bras. Au final, nous y passerons la soirée. Il y a les parents, 39 ans, toulousains, elle infirmière de métier et lui, entrepreneur dans l’immobilier. Deux paires d’yeux clairs qui regardent intensément vers le large. Elle, légèrement tendue par l’ampleur de l’aventure qui se présente, et lui, d’un flegme qui semble à toute épreuve. Il y a aussi Clarisse, Carla et Charles, respectivement 11, 8 et 5 ans, qui passent une partie de la soirée à courir avec leurs copains sur les pontons vides, tous trois ravis de partir en voyage. Et puis il y a Camille, le chien. Qui s’est apparemment très bien fait à la vie de bateau. Et qui grogne à la perfection lorsque des étrangers montent à bord.

 

 

Tout ce petit monde découvre la voile. « La première fois qu’on a vu Macajou, franchement, on n’a pas flashé. Faut dire que le design est spécial, quand même ! Ça fait un peu péniche, un peu chalutier… Mais on voulait de l’alu. En tant que novices, en famille en plus, on voulait du super solide. L’autre critère important pour nous, c’était le salon de pont. Pouvoir voir dehors tout le temps, rien de tel contre le mal de mer ». Ils ont pu en faire l’expérience cet été : des calanques de Marseille à Hyères en passant par Porquerolles et l’île Port-Cros,  le visibilité offerte par Macajou a permis à leur estomac de résister aux caprices de la Méditerranée et aux assauts des vagues. Même de travers.

 

Macajou : petite visite guidée

 

Bon, il est bleu. Une différence notable avec notre Jade, certes. Mais quand on a dit ça, on n’a quand même pas tout à fait tout dit.

Dès le départ, le premier propriétaire de Macajou a fait installer un bossoir à l’arrière pour porter l’annexe et un panneau solaire de 300 W, ce que, de notre côté, nous avons dû rajouter. Pas de table fixe dans le cockpit pour l’instant – mais Arnaud travaille assidûment à convaincre Laetitia que ce serait une bonne option… Pas de troisième cabine à l’arrière non plus, mais avec trois bambins, l’idée a fait mouche : cette modification (lourde à réaliser) est en projet, sur le modèle de ce que nous avons fait sur Jade. Sur le pont, moins de hublots que Jade, « pour ne pas risquer de glisser » – et accessoirement, pouvoir installer quelques coussins et un taud lorsque la navigation est tranquille. La planche de paddle y a naturellement trouvé sa place. Par contre, aucun winch électrique – ce que Laetitia avoue trouver un peu dommage… et parfois douloureux. A l’avant, au bout des 100 mètres de grosse chaîne, une ancre Spade de 40 kg – contre 35 pour nous – et un étai de trinquette largable – le nôtre est fixe.

 

 

Mais c’est à l’intérieur que la différence entre les deux frangins saute aux yeux. Alors que Jade est habillée de chêne clair, Macajou est en bois plus sombre : un côté plus moderne, mais aussi un peu plus classique. Dès l’entrée, le carré – plus petit que celui de Jade – est situé de l’autre côté du bateau, côté bâbord. La cuisine, remplie de placards, est plus fonctionnelle que la nôtre – même si nous l’avons bien améliorée, avec plus de rangements et une cuisinière sur cardan. En descendant vers les cabines, les rangements sont plus nombreux également, et les toilettes sont électriques – les nôtres sont manuels. Petit point qui chagrine le couple de capitaines cependant : une cabine propriétaire qui ne ferme qu’avec un rideau, et qu’il faut traverser pour accéder à la cabine invités, à l’avant.

Côté équipements, Macajou disposait déjà d’un désalinisateur et de deux congélateurs – que nous avons fait rajouter sur Jade. Pas d’éolienne prévue pour le moment. Pas de pilote automatique de secours non plus – mais après une petite frayeur pendant leur navigation estivale, Arnaud et Laetitia commencent à envisager la chose. Et en lieu et place du gros poêle Reflex que nous avons fait installer en prévision de l’Antarctique, Macajou se paie le luxe d’une clim. Il faut dire que la fin du programme n’est pas tout à fait la même.

 

 

« On voulait casser la routine »

 

Macajou et son équipage partent pour deux ans. Passage de Gibraltar l’été prochain, Maroc, Canaries, Cap-Vert, l’Atlantique en novembre… et après ils verront. Mais ils ne se sentent pas prêts pour affronter les glaces du grand Sud.

Cela fait deux ans qu’ils se préparent. Laetitia a quitté son travail d’infirmière libérale. Arnaud travaille toujours pour l’instant, les projets immobiliers du couple financent une partie du voyage. Pour le reste, ils ont vendu leur grande maison et en ont acheté une plus petite, dont ils louent déjà le rez-de-chaussée et loueront l’étage une fois partis.

En attendant, ils se forment. Avec un skipper, embauché une journée par-ci par-là, qui leur apprend les rudiments de la navigation. Avec un formateur spécialisé sur les questions de sécurité, aussi. Et pour compléter, avec les formations proposées par Sail the World (STW), notamment en analyse météo et en survie.

 

 

Pourquoi vouloir partir ? « Pour casser la routine, on en avait marre. Pour mieux voir nos enfants grandir, aussi ». Mais pourquoi en bateau, qui plus est en ayant tout à apprendre ? « Parce que ça permet d’être vraiment libres. Et il n’y aura pas de retour, j’espère, me confie Laetitia. Nous avons organisé notre vie pour ça ». Je range mes questions de journaliste dans ma poche. Tout est dit.

 


 

Un mois plus tard…  la Macajou Family nous rend visite à bord de Jade, à La Rochelle!
(Bien entendu, la bouteille de rhum n’est là que pour décorer)

11 Comments

  1. Depuis le tout début de ces narrations joliment tournées, et à l’instar de l’humoristique description de « l’autre bateau, mais bleu ….. », TOUT ici respire la classe.
    De bien beaux bateaux, de bien belles personnes, donc de bien beaux périples en perspective.
    On vous envie, dans le bon sens du terme, et on hurle vers le large : Bon vent….!
    Sincèrement.
    Edith et Roger

  2. Eh bien c’est fort gentil, comme commentaire, dîtes-donc! On en est tout touchés, tiens…
    Merci Edith et Roger, on continuera à vous faire partager tout cela avec toute la sincérité possible.

  3. A la narration fort interessante pourquoi ne pas ajouter un petit lexique au sujet du vocabulaire des termes marins et de navigation utilises!! ce serait tres utile aux neophytes qui s interessent maintenant du fin fond de leur taniere a cette future Odyssee!

  4. Nous y avons pensé, Isabelle: il y a bien un lexique! Si vous passez la souris sur les termes techniques, une définition s’affiche dans une petite bulle… Comme je ne connaissais pas ces mots moi-même il y a moins d’un an, je mets un point d’honneur à ce que les néophytes puissent nous suivre!

  5. Bravo à tous les deux et à votre famille pour ce beau projet !! On espère qu’on pourra avoir de vos nouvelles via ce blog.
    Bonne continuation et peut être à bientôt à Toulouse ?

  6. Bojour, joli blog , merci; cela fait longtemps que je cherche unSt Marthe 46; si vous vous en séparez ou savez où je peux en avoir un, je serai heureux pour notre retraite ! Le chantier Meta se fait un peu tirer l oreille !. Cordialement et bonnes Nav
    JFL , Nouméa

  7. Bonjour! Nous avons acheté Jade pour ce projet qui démarre à peine, et Macajou vient de changer de propriétaires… Les deux Ste Marthe 46 seront donc occupés à sillonner les mers du globe pour un moment encore! Bon courage pour votre recherche.

  8. Bon vent. A Macajou et à son sympathique équipage Le bateau Est costaud bien équipé et. Il les portera sans encombres aux Antilles

  9. Merci pour ces récits humainement simples mais si envoûtants ! C’est tout simplement le bateau de mes rêves…. A la vente de macajou, j’attendais de gagner au loto pour appeler le broker…en vain, et bien logiquement, le plan ne s’est pas passé comme prévu, mais je me régale de vous lire, en espérant que le prochain a faire construire pour partir, ce sera nous. Encore merci, bon vent et beau voyage.

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