Quarante degrés, c’est la rentrée!

Après 26 heures de vol depuis le Pays Basque, nous retrouvons enfin notre Jade en son chantier, au Nord de Trinité-et-Tobago. Tout un tas de menus travaux nous y attendent – et la chaleur, et les moustiques… Puis une tempête, aussi, tiens. Et pour finir, un invité-mystère!

 

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Retour au chantier le 8 septembre, on enchaîne sur un peu plus de deux semaines de boulot ! (utiliser la molette de la souris pour zoomer ou dézoomer sur la carte).

 

7 septembre 2022, 21h55 – Biarritz, France

Demain, nous repartons. Ou plutôt : nous rentrons. À bord de Jade. Je ne sais plus très bien ce qu’il faut dire.

La pression monte. Nous sommes prêts, tous les achats indispensables ont été faits : cartes et guides nautiques, médicaments à renouveler, bottes en caoutchouc pour les tourbes patagonnes… Car oui : de Trinidad jusqu’en Patagonie en passant par la Polynésie, si tout se déroule comme prévu, nous ne remettrons pas les pieds en France métropolitaine. Vingt mois, environ. Avec dedans : l’insécurité des abords du Venezuela, les vents de la côte colombienne, le stress du canal de Panama, l’étroitesse des passes polynésiennes, les vents tournants du Grand Sud, et … deux transpacifiques. Une dans chaque sens. Vu d’ici, de maintenant, c’est énorme. Nous nous abreuvons d’informations par tous les moyens possibles : guides, blogs, groupes de discussion… Ce soir, l’énormité de la chose me paralyse.

 

8 septembre 2022, 4h30 – Biarritz, France

Petit-déjeuner avant l’aube. Mon dernier Gervita avant un an et demi. À partir de demain, retour aux yaourts-maison. Apprendre à faire la crème fouettée.

Résumé de notre état d’esprit par notre amie Esther, rencontrée avec sa petite famille en Galice il y a plus d’un an, dans un message reçu hier soir : « j’imagine cet état entre appréhension et excitation… mais comment se sentir plus en vie ? ». Comme souvent, elle tombe juste.

 

 

9 septembre 2022 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

00h20, heure locale – Plus de 26 heures que nous sommes debout. Pendant que nous batifolions d’avion en avion (Biarritz, Madrid, Miami, Port-of-Spain), la Reine est morte. C’est le taxi qui nous attendait à l’aéroport qui nous a informés : «  Ah mais… vous ne devez pas savoir… ? Pour Elisabeth II?». Un bout d’histoire, pfiout, qui disparaît en un voyage.

Arrivés au chantier depuis une demie heure et déjà deux piqûres de moustiques. Mais Jade est là. Elle sent un peu le renfermé. On va aérer tout ça. Un peu d’air et de vie dans ce tas d’aluminium ! Pour le moment, dodo.

7 heures – Les moustiques, que nous avons réussi à maintenir à distance respectable cette nuit, contre-attaquent avec les premières lueurs du jour. On crève de chaud. Jade a été bougée de place en notre absence et nous n’avons plus aucun bâtiment derrière nous pour nous prodiguer son ombre du matin. Plus de gaz. Pas d’eau. Pas d’électricité en 220 volts: à cette nouvelle place, nous sommes trop loin de la prise.

7h30 – Atelier électricité : Christophe nous bidouille une rallonge. Le bon thé chaud de notre premier petit-dèj trinidadien se laisse désirer. Welcome back on board.

 

 

8 heures – Nous avons l’eau et l’électricité.

20 heures – Cet après-midi, avons aidé Gaït, rencontrée en juillet sur le chantier, à aller faire son plein de gasoil. Ai découvert mon capitaine en moussaillon sur un autre bateau que le sien : le mousse-modèle, obéissant aux instructions en temps réel même lorsque, je le sais, il aurait fait les choses autrement. Sur le pont de Nimic II pendant une heure, premiers coups de soleil.

 

11 septembre 2022 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

13h45 – Le plus dur, c’est la chaleur. La chaleur et les moustiques. En venant jusqu’ici en bateau, en transversant l’Atlantique puis en descendant l’arc antillais, l’acclimatation avait été progressive. Là, en descendant directement de l’avion, c’est une autre histoire. À neuf heures du matin, il fait 30 degrés dans le bateau.

Deux jours que nous sommes revenus. Quelques habitudes à reprendre : économiser l’eau, arpenter la moitié du chantier à pied pour aller aux toilettes ou prendre une douche. Le soir, avons retrouvé notre habitude de prendre un petit verre devant la baie – là où, il y a deux ans, un bar balayé par le Covid proposait certainement quelques boissons fraiches. Je réalise que, de toute la journée, au chantier, nous ne voyons pas la mer. Les heures passent à nettoyer, ranger, vérifier ou réparer mille choses. À attendre la (relative) fraîcheur du soir. Ou le prochain grain. Au choix.

21 heures – Ai passé l’après-midi les mains sous l’eau, puis enroulées dans une gaze imbibée de Biafine, puis trempées dans un bol de lait glacé. Me suis brûlée – je ne pensais pas que c’était possible – en coupant des piments. Ils avaient l’air pourtant bien innocents : l’air débonnaire et doucereux des piments végétariens de Martinique. Sauf que non. Un peu plus et nos invités de ce soir s’étouffaient avec mon plat – voire, se retrouvaient à l’hôpital. Mes mains ont morflé avant que l’ingrédient fatidique ne se retrouve dans la poêle. Au moment de me coucher, seule ma main droite est encore un peu sensible.

Ça m’apprendra : j’étais là, à commencer à trouver le temps long sous cette chaleur dans ce chantier. Le piment de Trinidad m’aura rappelé l’essentiel : tant qu’on a la santé, tout baigne. D’autant plus sur un voilier en partance vers l’Antarctique, en équipage avec mon amoureux. Ne jamais l’oublier.

 

 

13 septembre 2022, 8h30 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

Pensée du milieu de la nuit – quand, à trois heures du matin, je descends l’échelle dans le chantier silencieux pour aller faire mon pipi-de-la-nuit aux sanitaires les plus proches : ce qu’on vit là, tout de même, ce qu’on s’inflige ici, ça n’est pas facile. C’est même un peu dur. En fait. Car quitter le confort d’un appartement biarrot pour celui, plus sommaire, d’un voilier, c’est déjà une chose. Mais pour un voilier À TERRE DANS UN CHANTIER, à plusieurs kilomètres de la première ville (du premier supermarché, du premier bar), sous 35 degrés à l’ombre pendant douze heures dans la journée et bouffés par les moustiques en permanence, c’est encore autre chose. Donc ne nous mentons pas, car cela nous aidera peut-être à vivre plus sereinement les deux semaines qui restent encore : non, tout cela, ça n’est pas FACILE. Heureusement nous sommes deux, heureusement ce chantier est habité de tout un tas de gens intéressants et son personnel est compétent, heureusement nous savons pourquoi nous sommes ici, ce que nous avons à y faire, et pour combien de temps. A priori.

 

 

14 septembre 2022, 17h20 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

Ce matin, sortie en minibus mis à disposition par le chantier pour aller faire quelques emplettes. Sortie-colo avec quatre autres clients qui ont leur bateau chez Peake : une française de Martinique, une néozélandaise qui vit à Kiev (si) et un couple de hollandais installés à Cape Town. Profils intéressants.

Malgré cela, je ne peux m’empêcher de me sentir gênée d’être trimballée de la sorte d’un point A à un point B pour remplir mon caddie, sans rien comprendre du trajet entre les deux, de ce pays que nous ne connaissons toujours pas. Les journées bien occupées sur le bateau et l’insécurité ambiante (se promener à pied aux abords du chantier n’est pas conseillé, la moitié de la ville de Port-of-Spain est contrôlée par des gangs, les voitures roulent partout comme des folles), tout cela n’encourage pas franchement le tourisme. Trinidad est un mystère. Pas tout à fait caribéenne, pas tout à fait américaine. Ni riche ni pauvre – ou plutôt les deux. Divisée entre sa communauté noire et sa communauté indienne, accrochée à son pétrole, dédaignant son potentiel touristique. Notre horizon ici, depuis que nous y avons amené Jade, se résume à un chantier délimité d’un côté par une baie sale, et de l’autre, par une jungle inhabitée, longé par une route qui relie des installations pétrolières à des malls géants.

 

 

17 septembre 2022, 19h20 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

Puis-je l’avouer ? Cette douche froide de fin de journée dans les sanitaires climatisés du chantier est un moment de bonheur intense. Je l’attends tout l’après-midi. Elle est la récompense quotidienne de tous nos efforts.

 

19 septembre 2022, 8h15 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

Entamons notre deuxième semaine au chantier. Si tout va bien, Jade devrait retrouver la mer lundi prochain.

Les derniers jours se sont suivis en se ressemblant : rangement, ménage, travaux de maintenance, décapage de l’hélice, vérification du système de barre, tri et classement de notre pharmacie. Le capitaine est monté au mât.

 

Vérification du gréement: FAIT!

 

20 septembre 2022 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

8h30 – Venons de recevoir un appel d’Arnaud et Laetitia, nos copains du bateau-jumeau de Jade qui naviguent à présent sur un catamaran. Nous ne les avons pas vus depuis des mois. Actuellement ancrés dans une baie de Carriacou, à 150 milles au Nord d’ici, ils envisagent de plier bagages en urgence ce matin pour nous rejoindre ici : une tempête est annoncée pile sur leur zone, dans deux jours.

15h40 – Le temps s’est arrêté. Il fait si chaud, depuis si longtemps. Les gars sont passés ce matin préparer le terrain pour l’antifouling à venir – pourtant on oublie parfois pourquoi on est là, au sec, dans ce chantier. Comme lorsque la page de publicité, au milieu du film de 20h50, dure un peu trop longtemps : on ne sait plus où l’on en était de l’histoire. Quand le film reprend, on se surprend à se dire « tiens, c’est vrai, je regardais un film ». Notre page « chantier » est un peu longue, j’en perds le fil du voyage.

19 heures – Arnaud, Laetitia et leur petite famille de viendront pas ici. Ils tentent l’option « abri dans la mangrove » là où ils sont, à Carriacou.

 

21 septembre 2022 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

6h10 – Réveil sous la pluie. Première fois depuis notre retour ici – il pleut tous les jours ou presque, mais toujours l’après-midi. Il fait nettement plus frais, ce matin : seulement 27 degrés. C’est que la dépression qui inquiétait Arnaud et Laetitia hier se rapproche. Son cœur, finalement, devrait se situer pile-poil entre ici et Grenade, la nuit prochaine. Nous devrions la sentir passer. Avec nos 25 tonnes posées sur deux quilles, nous craignons moins un basculement de Jade que la chute intempestive de quelque chose sur le bateau – une tuile envolée d’un toit, le mât d’un bateau voisin. En attendant, le carénage démarré hier est interrompu pour au moins deux jours : impossible de peindre sous la pluie. Nous avons encore de la marge avant la mise à l’eau, prévue dans cinq jours.

Cette seconde tempête (nous en avions vécu une en arrivant ici fin juin), très méridionale, nous rappelle que la saison cyclonique est encore loin d’être terminée. Nous envisageons certes de remonter sur Grenade la semaine prochaine, mais rien n’est exclu : un prochain coup de vent peut tout à fait nous obliger à redescendre ici, ou à partir vers l’Ouest beaucoup plus tôt que prévu. Dans les semaines à venir, nous aurons de toute façon les yeux rivés sur les modèles météo. Comme toujours en bateau. Rien n’est écrit.

22h15 – Soirée accras-maison à bord de Jade. Dans le cocon du cockpit, pris dans notre discussion, nous avons à peine perçu le changement de musique du chantier : les mâts qui sifflent, les bâches qui claquent. Nos invités viennent de partir. Le vent est là.

 

Vidéo partagée par un plaisancier dont le catamaran était à la marina ce soir-là… On n’était pas si mal sur la terre ferme!

 

23 septembre 2022, 8h30 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

Tout juste de retour de ma dernière séance de yoga au chantier. Un jour sur deux Hatty, une britannique qui a son bateau ici pour quelques semaines, donne un cours à titre gracieux sur la terrasse du café Zanzibar, fermé depuis le Covid. Démarrage à 7 heures, antimoustique de rigueur, pour une heure relativement sportive sur nos tapis, face à la baie. En nage au bout de dix minutes. Une journée qui commence bien.

 

Avant/après le carénage, avec ligne de flottaison remontée de 10 centimètres (utiliser la flèche pour passer d’une image à l’autre).

 

25 septembre 2022, 22h25 – Chantier Peake Yacht Services, Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

Dernière nuit au chantier. Si tout va bien. Ça fait bizarre. Syndrome de la page de pub.

En fin d’après-midi, Jean-Paul nous a rejoints à bord. Ami du Pays Basque, heureux propriétaire d’un bateau à moteur sur lequel il sort pêcher tout les weekends, hésitant à s’acheter un voilier, il vient ici pour « se tester ». Et passer du bon temps. Penser et vivre à trois à bord de Jade pour quelques semaines : la révolution.

 

Petit aperçu de l’ambiance au chantier en vidéo!

 

26 septembre 2022 – Bouée dans la baie de Chaguaramas, Trinité-et-Tobago

16h30 – De nouveau à l’eau, depuis une heure ! J’avais peur de ressentir du mal de mer, après trois mois passés sur le plancher des vaches. Il n’en est rien, au contraire : mon corps à l’air plutôt content de retrouver le roulis du mouillage. Et un peu d’air. Pas beaucoup, mais au point où nous en étions…

17h30 – Assis sur le roof de Jade pour notre premier coucher de soleil sur l’eau depuis trois mois. Jade tangue gentiment. Au loin, les générateurs du chantier tournent encore. Je réalise que pendant nos un peu plus de deux semaines ici, de l’emplacement où nous étions, les couchers de soleil nous étaient invisibles.

Le soleil descend dans la passe que nous emprunterons demain, direction Grenade. Chalutiers à contre-jour. Sur bâbord, la flèche d’une plateforme pétrolière brille dans le soir. L’éolienne tourne. Nous sommes à nouveau autosuffisants, débranchés du réseau, en mer, à ne compter que sur nous-mêmes. Le regard porte loin. Nous retrouvons un horizon. Merci, ma Jade.

 

21 Comments

  1. Bon courage a vous 2 …
    Je pensais qu’a ton retour tu seras passe de matelot a quartier maitre ..
    Belle promotion durant ces années de navigation

    Faites bien attention a vous 2
    Patty & Hugo

  2. Merci Philippe! Prochaine promotion: co-capitaine. Mais je n’envisage pas encore de mutinerie (pas envie de finir à la Fletcher Christian, seule à Pitcairn au milieu du Pacifique…).
    On vous embrasse tous les deux.

  3. Super blog , merci … Peut être un livre un jour ? mais il vous reste tellement à vivre et à nous faire partager.

  4. C’est avec plaisir que nous retrouvons vos récits bien imagés et vivants. Attention aux cyclones jusqu’à la mi novembre, restés plutôt aux sud des petites Antilles. Grenade est une belle île très rarement touchée par les cyclones. Si par mal chance un se présente, vous savez certainement qu’il y a un trou à cyclone: La petite baie bien fermée de Port Egmont.
    Il y a aussi des belles îles épargnées des cyclones: Les A B C
    Si vous voulez des infos sur l’Antarctique, consultez le site « Selma Expéditions » et n’hésitez pas à prendre contact avec eux
    . Ps: je me suis occupé de ce beau voilier de 22 mètres pendant plus de 20 ans, il s’appelait alors: Mean Ruz II
    Nous vous souhaitons que le meilleur.
    Bonne nav.
    Jean Pierre Te Anne Marie

  5. Merci Rémy… L’idée d’un livre est effectivement en train de germer dans nos p’tites têtes!

  6. Bonjour Jean-Pierre et Anne-Marie, ça fait bien plaisir d’avoir un message de votre part! Effectivement, notre plan (pour le moment) est de rester sur Grenade jusque mi-octobre puis de partir plein Ouest vers les ABC. On espère, de cette façon, échapper aux derniers cyclones de la saison.
    Merci pour le site de Selma Expéditions, nous allons y jeter un œil: nous sommes preneurs de toutes les expériences et tous les contacts qui peuvent nous être utiles!
    On vous embrasse.

  7. Merci à nouveau pour ces écrits
    Ces qq mois sans , j’avoue que l’on attendait la suite avec impatience
    bises à vous deux, 3B

  8. Et hop c’est reparti ?! Un bonjour amical à Jean-Paul qui tout comme vous à l’air en pleine forme. Avec lui vous ne risquerez pas de manquer de poissons pour vos repas.
    Bises

  9. Avec « Jade » rutilante comme un sous neuf il ne reste plus qu’à fendre les océans. Bonne aventure c’est superbe. Bisous

  10. Merci pour ce partage d’une rentrée vraiment pas comme les autres :)) C’est vraiment super de pouvoir voyager un peu avec vous à l’autre bout du monde grâce à vos billets accompagnés de belles photos et vidéos.
    Bonne reprise et surtout, bon vent!

  11. Merci pour ce blog formidable ainsi que les photos. Superbe voiler et magnifique projet. Bon vent !!

  12. Chaleur et moustiques, je comprends votre bonheur de retrouver l’eau !!
    20 mois sans retour en France !! Je n’avais pas percuté. Heureusement que l’on se voit à Panama bientôt.
    Soyez prudents avec les cyclones et……les piments ☺

  13. Merci André et Magali! C’est vrai qu’avec Jean-Paul, on a gagné une sacrée recrue: pêcheur certes, mais aussi super cuistot en prime! On ne manque donc pas non plus de langoustes au riz-curry-coco-cacahuetes ni de bananes flambées à bord… Jean-Paul se joint à nous pour vous faire la bise!

  14. Merci beaucoup Diane! Ceci dit, j’imagine qu’avec l’arrivée de la petite Emma, votre rentrée n’a pas dû non plus ressembler aux autres… 😉 On vous embrasse!

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