Martinique, dernier round

Le 15 mars, nous saurons. Avec le dernier rendez-vous du capitaine à l’hôpital de Fort-de-France, un mois et demi après son opération, nous saurons si Jade peut envisager de larguer les amarres pour la Guadeloupe. Et au-delà. C’est qu’elle trépigne, la bougresse…

 

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Visite de la famille et fin de convalescence pour le capitaine, toujours en Martinique (utiliser la molette de la souris pour zoomer ou dézoomer sur la carte).

 

1er mars 2022 – Mouillage de Sainte-Anne

15h20 – Sortons d’un déjeuner avec la famille de Christophe, arrivée hier en Martinique depuis le pays basque: Laura, Olivier et leurs trois garçons – Arthur, Yon et Thibaut. Levés à quatre heures du matin pour cause de décalage-horaire. Plage direct, au lever du jour. Alors que nous les retrouvons sur le ponton des annexes, Yon, 10 ans, me dit qu’il n’arrive pas bien à réaliser qu’il est au bout du monde. Je lui réponds que moi non plus.

18h – Aujourd’hui, c’est carnaval. Depuis deux jours, de petits groupes de musiciens défilent, matin et soir, dans les rues de Sainte-Anne. Hommes grimés en femmes et femmes en diables, tambour en bandoulière. Les gens de bateau s’arrêtent net dans leurs courses, les regardent passer. Les enfants se figent. Ce matin, la ville comptait encore un ou deux commerces d’ouverts, vendeuses en rouge et noir. Cet après-midi, plus rien. Nous tournons une heure en voiture dans la banlieue de Fort-de-France pour espérer arriver les mains pleines chez nos amis Jean-Luc et Vanessa, grands connaisseurs et amateurs de carnaval, chez qui nous sommes invités. L’épicerie « chez Tan » nous sauvera la mise. Nos hôtes nous prêteront des costumes. Ont-ils dit.

 

 

2 mars 2022, 18h30 – Mouillage de Sainte-Anne

Rentrés du carnaval à 2h30 du matin. Au ponton de Sainte-Anne, notre annexe était bien seule – mais toujours là. Toute la soirée, nos hôtes furent rayonnants. Ont dansé sans discontinuer. Plusieurs fois, suis restée plusieurs minutes sans pouvoir décrocher mes yeux de ce couple qui brillait.

Ce soir, comme à mon habitude, ai fait quelques tours à la nage autour de Jade. Croisé une raie, noire à pois blanc – la première de ma vie. Demain matin, comme tous les matins, une petite tête de tortue émergera de l’eau toutes les demi-heures, à trente mètres derrière le bateau. Quotidien de rêve.

 

3 mars 2022, 19h – Mouillage de Sainte-Anne

Aujourd’hui, avons profité une dernière fois de la voiture que nous avions louée pour aller fêter le carnaval. Direction la rhumerie Clément, en famille. Première visite de rhumerie de notre séjour en Martinique – qu’avons-nous bien pu faire pendant tout ce temps?

 

 

L’après-midi, virée vers le Nord de l’île, par la route de la côte-au-vent, le long de l’Atlantique. Avons successivement traversée le Robert, Trinité, Sainte-Marie, Le Lorrain, Basse-Pointe, Macouba… La région natale d’Aimé Césaire nous a laissé un goût de gris, de vent. D’abandon, par endroits. Beaucoup de maisons désertées, même en plein centre-ville. Des constructions pas finies, aussi. Stigmates d’un cyclone récent? Ou nouveau visage d’une Martinique qui se dépeuple – l’île, qui compte aujourd’hui 350 000 habitants, en aurait perdu 50 000 ces dix dernières années?

Une dizaine de kilomètres avant Grand’Rivière, la route se transforme en piste amazonienne –  bitumée, tout de même. Elle serpente aux pieds de falaises directement sorties des entrailles de la Montagne Pelée, ruisselantes des eaux claires du volcan, couvertes d’une jungle des premiers âges. Puis la Twingo tombe nez-à-nez avec deux ponts métalliques enjambant la petite sœur martiniquaise de la rivière Kwaï: la rivière Potiche – au moins aussi classe. Je descends prendre quelques photos, la musique du lieu me paralyse: cris d’oiseaux invisibles, gouttelettes tombant sur les feuilles. Symphonie forêt vierge. Quand une voiture passe, la ferraille du pont s’ébranle.

À Grand’Rivière, la route s’arrête. Un beau panneau « sans issue » nous en informe. Sur la digue, qui n’existait pas la dernière fois que Christophe est venu ici il y a 25 ans, des centaines de petits crabes noirs courent sous nos pieds. Deux petits bateaux colorés rentrent au port, sur fond de falaises noires tombant à contre-jour dans la mer. L’un revient du large avec sa pêche, l’autre certainement de la bourgade du Prêcheur, côte-sous-le-vent. À son bord ce soir, deux randonneurs fourbus des 18 kilomètres de marche qui, seuls, relient le Nord-Est et le Nord-Ouest de l’île.

L’ambiance de cette ville du bout-de-la-route me magnétise. On reviendra et nous aussi, on marchera.

 

 

 

8 mars 2022, 21h15 – Mouillage de Sainte-Anne

Toute cassée. Passé une heure sous l’eau. Ou plutôt: 3 x 20 minutes. Avons accompagné Arthur, Yon et Thibaut pour leur baptême de plongée, au bout de la baie de Sainte-Anne. Tous trois d’une aisance déconcertante dans l’eau. Grandir au pays basque, ça a quelques avantages.

J’ai aimé regarder leurs bouilles concentrées pendant les explications du moniteur. Écouter leurs questions. Voir leur empressement, à la sortie, à trouver les noms des poissons qu’ils avaient vus dans le petit fascicule en plastique du club de plongée. Entendre leur « merci pépé » murmuré. Sorti du fond des tripes.

 

Baptême de plongée réussi haut la main!
Baptême de plongée réussi haut la main!

 

10 mars 2022, 7h – Mouillage de Sainte-Anne

Ce soir, la petite famille de Christophe repart. De nouveau seuls, avec Jade. Et la perspective de reprendre le voyage bientôt. Circonstances idéales pour se lancer dans les quelques activités que nous avons repoussées depuis trop longtemps: menues réparations et grattage de coque intégral. C’est parti.

 

A bord de Jade, les affaires reprennent! Grattage de coque, petites réparations… Ça commence à sentir le départ.

 

13 mars 2022, 18h15 – Mouillage de Sainte-Anne

Aujourd’hui, dernière journée de visites par la route. Avons enfin pu voir le jardin de Balata, juste au-dessus de Fort-de-France. Avions fait une tentative il y a deux mois, peu après notre arrivée en Martinique, mise en échec par des seaux de pluie et un parking bondé. Cette fois nous nous sommes pointés à l’ouverture, avec les k-way dans le sac.

Tout le long du parcours fléché palmeraie-fleurs-tropicales-bassin-japonais-bambouseraie, le soleil nous a fait cadeau de quelques rayons bien placés. Comme celui venu pile-poil se poser sur la corolle d’une fleur rouge-rosée que l’ombre du sous-bois rendait presque invisible. Plus timide que dans le Sud, le soleil, mais carrément esthète.

 

 

14 mars 2022 

7h30, mouillage de Sainte-Anne – Ce matin, rendons la voiture à l’aube. Byebye Sainte-Anne. Objectif du jour: Fort-de-France et son hôpital, où Christophe a rendez-vous demain matin.

10h30, en vue du rocher du Diamant – Partis il y a trois quarts d’heure. Superbes conditions: soleil, peu de houle, vent arrière à 25 nœuds. Avançons à 6-6,5 nœuds avec des pointes à 7. Un ris dans le génois, pas de grand-voile pour le moment. Si je me fie à ce que nous avons eu la dernière fois (10 nœuds de plus à l’anémomètre au passage de la baie de Fort-de-France), nous devrions aujourd’hui toucher du 35 nœuds dans cette zone. Belles conditions donc, mais vigilance de mise. Comme d’hab.

11h40 – Grain. Pluie, rafales à 36 nœuds. Cinq minutes plus tard: 16 nœuds. Plus rien. Les cirés gisent sur la table du carré, inutiles désormais.

12h30 – Plus qu’une petite pointe à passer avant la baie de Fort-de-France. La trinquette est en place.

13h30, baie de Fort-de-France – Vent et houle de face. 30 nœuds établis, rafales jusqu’à 37. Passons trois cargos au mouillage. Décidons de finir au moteur.

21h30, mouillage aux pieds du fort –  À l’ancre devant la grande ville, et pas un bruit. Pas une musique, pas une voix qui s’élève dans la nuit. Juste quelques oiseaux, du côté du fort, et une moto qui pétarade de temps à autre. Moins d’agitation ici, à la capitale, qu’à Sainte-Anne que nous venons de quitter, avec sa centaine de plaisanciers et son Club Med.

Les gens ne restent pas longtemps, ici. Ils sont là pour une raison particulière. Le bateau voisin, avec qui nous venons de boire un verre, dépose un équipier qui doit rejoindre demain l’aéroport. Pour nous, c’est l’hôpital. Et si demain matin le médecin nous en donne l’autorisation, nous partirons dès l’après-midi pour Saint-Pierre, notre dernière étape avant la traversée vers la Guadeloupe.

 

15 mars 2022 

7h05, mouillage de Fort-de-France – Grains dans la nuit. Je me lève en même temps qu’un arc-en-ciel. Les bruits de la ville ont repris.

13h05, hôpital de Fort-de-France – Il avait une heure de retard mais on lui pardonne. Il a dit oui. Il a dit oui-mais-je-veux-vous-revoir, en juin. Trois mois devant nous pour explorer le Nord des Caraïbes, avant les cyclones et le docteur. Libres.

 

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9 Comments

  1. Sympa de terminer par cette photo ou vous rayonnez de bonheur. Dans le Périgord une de mes voisines me disait souvent « Profitons des beaux jours » c’est exactement ce que vous faites, génial!! Merci pour tes écrits,photos et vidéos, j’attends comme d’hab la suite 🙂 bises à vous deux

  2. Bonjour à tous les deux !
    J’avais oublié qu’on pouvait faire tant de belles choses dans l’arc antillais !
    Profitez bien de votre balade et merci de continuer à nous faire rêver …
    De notre côté, nous sommes à la recherche d’un Romanée pour suivre votre trace !

  3. Coucou les Jadiens ,Magnifiques ces photos ….après le réconfort….l ‘effort…? la coque c est rapidement chargée au mouillage…non? Bravo tu assures ….tu n est plus le petit Bouchon …?….Ohé capitaine ?‍✈️ ton second fait le Job..
    On vous embrasse,
    Le C5

  4. Salut les Amis, sympa les déguisements,…que de couleurs dans ce reportage,c est magnifique,le Capitaine retrouve le bon pieds…bonne œil.?
    Bah…pour un petit bouchon….c est fini …je dirais Capitaine en second après ce carénage à flot .
    On vous embrasse,

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