Entrainement d’été: objectif Bretagne

Première occasion de tester les nouveaux équipements de Jade sur temps long et diverses activités de globe-trotteurs à la voile… Bilan général: positif. Ouf. 

 

23 juillet 2020, 11h50 – Arrivée à l’île d’Yeu après une nuit en mer

Arrivée sur la plage des Vieilles, au Sud de l’île, au moteur, sous un soleil de plomb et sur une mer d’huile. Là, une dizaine de voiliers au mouillage, fièrement alignés. Ils nous font face comme une armée de plaisanciers prête à défendre chèrement son bout de terre.

 

25 juillet 2020, 6h30 – Départ de l’île d’Yeu pour Pornic

Découvrir à quoi ressemble un ciel couvert sur l’eau à 6h du matin. Pas de vent. La mer est mauve.

7h. Lever de soleil sur une mer plate. Devant nous, un ciel de plus en plus gris. Un mur gris. Je pense à « Bienvenue chez les Ch’tis ». Welcome en Bretagne.

9h30. On arrive au bout de l’île de Noirmoutier. Première navigation sous la pluie, au moteur, en barrant depuis l’intérieur. L’impression d’être un peu plus proche de ce que doivent vivre les pêcheurs. Tiens, un chalutier.

 

 

26 juillet 2020, 20h15 – Pornic

Première arrivée dans une nouvelle ville par son port. Premier amarrage sur un ponton qui n’est pas le C4 du bassin des chalutiers, à La Rochelle. Ça y est, c’est le début du voyage. L’itinérance en bateau. On y est.

Découvrir une ville par son port. D’abord les pontons et la capitainerie. Un peu plus loin le Vieux Port, le château, le circuit touristique classique (et bondé). Regarder les autres bateaux de voyage, commenter. Un peu plus tard, s’aventurer dans les ruelles qui montent le long du coteau. Café des Halles. On est tous seuls.

Ajouter du contexte, petit à petit, autour de son bateau qui est arrivé là, paf, un peu par hasard. Procéder par cercles concentriques. Ajouter, pas à pas, des cercles autour du voilier rouge: des cercles de ville, de gens, de rues. Le bateau reste toujours notre centre. Notre maison. Familière. Perdue au milieu de tout le reste, qui est nouveau. Ce sentiment sera sûrement le même dans trois ans, dans le labyrinthe des canaux de Patagonie. À la puissance dix. Se sentir, profondément, dans les tripes, voyageur.

 

30 juillet 2020, 4h30 – Ile d’Hoëdic, au mouillage

Réveillée en pleine nuit par les vagues qui frappent la coque. Christophe n’est déjà plus à côté de moi.

Ambiance de fin du monde. Pas tant de vent que ça, semble-t-il (peut-être 15 nœuds). Une houle d’un mètre, un mètre cinquante. Le tout venant de l’Est. Là où nous sommes, nous ne sommes pas protégés.

Voie lactée, toujours. Par contre, pas de lune. Une espèce de clarté blanche et froide qui se reflète sur la surface de l’eau mouvante. Nous ne sommes pas seuls au mouillage. Comme nous, les occupants des autres bateaux se sont levés et mis à la veille. Certains ont remis une dizaine de mètres de chaîne. Les habitacles allumés se balancent au rythme de l’onde, et quelques mètres plus haut, leur feu de mouillage avec eux. Étoiles parmi les étoiles. Mais qui tanguent.

A priori, nous avons assez de chaîne. 40 mètres, pour 8 mètres de fond. Christophe est serein, alors moi aussi. Il me dit de retourner me coucher, il finira sa nuit dans le carré. S’il n’était pas là, ce serait la fin du monde. Mais s’il n’était pas là… je ne serais pas là.

 

1er août 2020, 15h – Le Crouesty, amarrés à l’entrée du port

Ballet incessant des bateaux qui entrent et qui sortent du port. Jamais je n’aurais imaginé qu’autant de gens avaient un bateau… Où trouvent-ils tout cet argent?

Discussion animée avec Christophe. En voyage, faut-il vouloir tout voir, tout le temps? Quitte à courir? Je l’avoue, j’ai cette fâcheuse tendance à la boulimie touristique. Sa vision est toute autre: se poser, regarder, écouter. S’imprégner. Par conséquent, « rater » un certain nombre de choses, d’endroits. Mais ce que l’on aura vu sera imprimé profondément. Dans la boîte. Dans la tête. Et toujours, toujours prendre le temps des rencontres.

17h. Rencontre avec Paul. Demain, nous visiterons Vannes en sa compagnie.

 

 

4 août 2020, 21h55. Belle-Ile-en-Mer, anse de Port Andro

Le ciel fait des rayures mauves et bleues. La mer ne bouge pas d’un ïota. Tout à l’heure, on y voyait passer des filaments transparents criblés de loupiotes: méduses? Algues? Méchant ou pas méchant?

Il est 22h et nous ne nous coucherons pas avant 1h30. La marée basse est à 0h49. Nous sommes mouillés trop près des rochers et les voiliers arrivés après nous de nous laissent aucune voie de sortie. Pris au piège. Selon nos calculs, nous ne devrions pas toucher le fond (Christophe a plongé tout à l’heure, c’est du sable). Mais si le vent se lève? La météo annonce une nuit calme. Mais si? Mais si? Christophe tourne dans le cockpit comme un lion en cage. Ça nous servira de leçon.

Il fait encore jour. À tribord, les goélands s’égosillent encore sur les falaises. Bientôt, ils se tairont. Il fera noir. Et toutes les pensées rassurantes échafaudées pendant la soirée s’envoleront.

 

10 août 2020 – Trajet retour Groix-La Rochelle

2h45. La lune a disparu. La lune « gibbeuse décroissante » – c’est fou ce que l’on finit par apprendre en observant le ciel pendant ses quarts de nuit. Les moutons gris des nuages qui colonisent le ciel depuis une heure viennent de la happer. Plus de reflet d’argent dans la mer. Plus d’étoiles non plus, d’ailleurs. Plus rien.

Devant la proue de Jade, un point jaune fixe nous intrigue depuis un moment. La carte n’indique rien : pas de phare à cet endroit – on serait mal barrés ; pas de bouée lumineuse. Ça ne clignote pas, ça brille. Et drôlement fort.

3h30. Le point jaune est un bateau de pêche à gyrophare. Le petit chalutier fait des aller-retours au-dessus d’un récif, semble-t-il. Pendant une demi-heure, nous jouons au chat et à la souris : chaque fois qu’il vire de bord, nous modifions notre trajectoire afin de l’éviter au plus large. Mais il revient en arrière. Toujours. Demi-tour sur demi-tour. Alors que nous négocions de le dépasser enfin, il virevolte une dernière fois, à 100 mètres du nez de Jade. Sortie de la nuit, la vieille coque verte nous fonce dessus.

Marche arrière d’urgence. Le chalutier avance toujours vers nous. Cinq secondes, dix secondes…. Virage serré sur son bâbord. Le chalutier nous évite à quinze mètre à peine. Nous n’avons que le temps d’imaginer les regards éberlués des pêcheurs qui devaient s’attendre à tout sauf à se retrouver nez-à-nez avec un voilier tout rouge, ici, en pleine nuit. Comment deux bateaux tous seuls peuvent-ils manquer se rentrer dedans sur l’immensité de la mer ?

5h. Sur tribord, les grands zigzags orange des éclairs strient la nuit. Depuis le gros nuage noir d’où ils naissent jusqu’au trait noir de la mer où ils meurent, ils déploient leur puissance un à un,  à intervalles irréguliers, pour l’instant en silence. A chaque éclair, je cherche déjà des yeux le suivant. Au loin, le fracas du tonnerre commence à poindre… C’est beau, un orage en mer.

6h. C’est le déluge.

 

… d’autres aventures bretonnes en vidéo!

 

4 Comments

  1. Bravo Estelle,
    Superbe petit film de decouverte de la Bretagne.
    Nous aurions presque pu s’y croiser!
    Cela donne carrement envie de lever l’ancre…

  2. On vous suit sur Youtube depuis un bon moment, vous faites partie des histoires qui nous inspirent… Merci pour ce gentil commentaire!

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