Prélude aux îles Sous-le-Vent

Après cinq semaines passées à la marina de Papeete, les îles Sous-le-Vent nous appellent. Nous n’avons que 15 jours devant nous… Fidèle à son rythme pépère, Jade se concentre, après escale à Moorea, sur les rivages de la première d’entre elles: Huahine. Avec une seule envie: plus tard, y retourner.

 

 

13 août 2023, 22h – Marina de Papeete, Tahiti

Derniers jours à la marina de Papeete. On multiplie les repas et apéros avec les bateaux-copains, rencontrés pour certains au ponton d’ici (le ponton F, the best ever), et pour d’autres il y a des mois, voire des années, bien loin de Tahiti : Alexandra et Jean-Philippe de Yapluka, Marie, Thomas et leurs enfants qui terminent leur voyage sur Et Hop, Laurence et Emmanuel de Pilgrim, Pauline, Yann et leurs deux petites filles sur Joséphine, Jean-Yves de Bilounine, Evelyne et Didier à bord de Mintaka… Sans compter les navigateurs de toutes nationalités – français, américains, néozélandais… groenlandais! – qui s’arrêtent, perplexes, devant Jade et qui demandent « vous n’iriez pas en Patagonie, par hasard, avec un bateau pareil… ? Car j’en viens ». Et bim, un apéro de plus.

Je ne pense pas toujours à prendre des photos. Mais tous ces gens qui entrent, les uns après les autres, dans notre journal de bord, et qui parfois y occupent une place de choix pendant des mois, c’est notre petite famille de voyage. Ils s’égayent dans la nature quelque temps dans les îles ou restent posés à Papeete où ils ont réussi à trouver un emploi. Dans tous les cas ils se retrouvent le plus souvent ici, sur les pontons. Et le cockpit de Jade s’anime jusqu’à pas d’heure.

 

 

15 août 2023 – Départ vers Moorea

11h15 – A nouveau en mouvement. Chatouilles dans l’estomac, dans les jambes. En cinq semaines à Papeete, étions redevenus terriens.

Pas de vent, aujourd’hui, pour rallier Moorea – et les 5 nœuds qui peinent à souffler, nous les avons de face. Pas plus mal, donc, de faire ce premier stop à 15 milles avant de nous lancer vers les îles Sous-le-Vent : trois heures qui s’écouleront doucement au son du moteur, pour se remettre en jambes.

13 heures – Barbouillée. N’avais pas anticipé la houle qui nous cueillerait entre les deux îles. Prends mon cachet, en retard donc. « Il n’y a pas de petite navigation ».

15 heures – Ancrés à l’entrée de la baie d’Opunohu, au Nord-Ouest de Moorea. A peine posés, le comité d’accueil est là, dans l’eau : une tortue qui lève sa petite tête pour nous saluer, une raie pastenague qui fait voleter ses ailes grises au-dessus de notre chaîne, des lambis qui gambadent autour de notre ancre, bien crochetée dans le sable, à huit mètres de profondeur.

Il faut avoir quitté la vie de mouillage pendant quelques semaines pour se reprendre en pleine face le bien-être profond qu’elle procure : liberté, calme. Silence. Vert et bleu pour horizon. Un autre rythme, un autre air, d’autres couleurs. Bienvenue à Moorea.

 

Baie d'Opunohu, Moorea.
Baie d’Opunohu, Moorea.

 

18 août 2023 – Mouillage dans la baie d’Opunohu, Moorea

8h15 – Deux jours venteux au mouillage. Avons à peine pu mettre le pied à terre. Redécouverte du petit-déjeuner face à un panorama grandiose, de la nage du matin qui fait recroiser raies et tortues, des après-midis tranquilles à bouquiner, bricoler ou faire du pain, des soirées à bord d’un bateau-copain retrouvé par hasard. Petite frayeur lorsque le désalinisateur s’est mis en grève : un conduit de bouché, problème résolu en cinq minutes par un capitaine au taquet.

Avons reçu aujourd’hui notre permis de naviguer vers les îles Sous-le-Vent – avions oublié d’en faire la demande à notre départ de Papeete. Sommes à présent en règle. La météo pour la nuit à venir s’annonce parfaite : le vent doit basculer vers le Nord-Est, nous permettant en théorie de ne faire qu’un bord jusqu’à Huahine.

10h30 – Exercice de grattage de coque dans le vent et les vagues. De retour sur le bateau, l’anémomètre indique des rafales à 29 nœuds. Est-ce vraiment une bonne idée de partir cet après-midi ?

13h15 – Décision prise : resterons une nuit de plus au mouillage. En partant demain, notre navigation vers Huahine sera plus longue de deux heures, mais le routage indique des rafales à 25 nœuds plutôt qu’à 30, et surtout, un mètre de houle en moins. Cela paraît toujours peu depuis un mouillage confortable, mais  nos estomacs nous en remercieront.

 

 

19 août 2023 – Navigation Moorea – Huahine

14 heures – Levons l’ancre de la baie d’Opunohu. Les messages ont été envoyés aux copains. La grand-voile, dans cinq minutes, sera haute.

17h15 – Belle reprise : 15 nœuds de vent au travers, Jade fonce à 7 nœuds. Houle modérée. Avons bien fait d’attendre une journée supplémentaire avant de partir : pour cette première navigation un peu conséquente depuis notre escale à Papeete, il nous fallait quelque chose de bien. Le pilote ne bronche pas. Bientôt l’heure du ti-punch.

20h20 – Je démarre mon premier quart comme j’aime bien : avec une tisane bien chaude et un biscuit. Je n’ai pas noté la marque, mais c’est une tuerie : une madeleine de Proust en forme de palet breton dont la texture sablée et la pointe de beurre salé, sans trop de sucre, me transportent instantanément vers les rues de Pont-Aven, la plage du Pouldu…, mon grand-père. Qui fut marin. Qui nous a quittés avant de m’avoir jamais vue sur un voilier.

De fil en aiguilles, j’en viens à penser à d’autres personnes chères qui ne sont plus là. Dans la mythologie polynésienne, la mer est le royaume des morts. L’au-delà n’est pas au ciel mais sous l’eau… « Les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer », l’océan comme un sas entre deux mondes, les pensées happées par le ciel et l’eau que l’on ne distingue plus l’un de l’autre. Le mince croissant de la lune me sourit au-dessus d’une ligne de nuages sombres. Il faut croire que les nuits en mer (et les bons palets bretons) peuvent transporter l’esprit bien loin.

22 heures – Quatre bateaux croisés en une heure : trois voiliers (avec AIS) et, je pense, un bateau de pêche (identifiable seulement par ses feux). L’un d’eux, qui ne déviait pas de sa route, nous a croisés à moins d’un demi mille : je pouvais voir l’ombre blanche de sa coque sur notre bâbord. Moorea-Huahine : l’autoroute des vacances.

Tiens ? Feu vert sur tribord. Un cinquième. La dernière fois que nous avons croisé autant de bateaux de nuit, il me semble, c’était au large du Portugal. Ça maintient éveillé.

2h30 – Second quart. Alors que je me lève, Christophe me prévient que l’enjeu principal de la navigation a changé : plus de bateaux mais un vent qui a faibli, et surtout, qui tourne franchement au Nord. Sommes à présent au près, je garde les yeux rivés sur la girouette. L’enjeu : éviter de se retrouver du mauvais côté du vent tout en maintenant un cap à peu près correct sur Huahine.

 

20 août 2023 – Arrivée à Huahine

6h30 – J’avais demandé à Christophe de me réveiller aux premières lueurs du jour. J’escomptais un magnifique lever de soleil sur la première de nos îles Sous-le-Vent. J’ai droit à un grain monstrueux. Du gris partout. L’île a disparu dans un amas de nuages. Nougaro me vient en tête : « y’avait une île… et y’a plus rien ».

22 heures – Journée transformée, comme souvent, par une rencontre : Edgard, un ex-camarade de Christophe voyageant sur son bateau depuis six ans, venu toquer à notre coque vers 10 heures du matin. Accent du Sud et débit de mitraillette, enthousiasme qui semble à toute épreuve. Cela fait un an et demi qu’il navigue dans le coin et qu’il s’incruste dans les tournois de pétanque de chaque île où il relâche : il commence à bien connaître. Le soir-même, sommes invités à son bord. Il repart demain pour Bora-Bora. On compte bien se revoir.

 

 

21 août 2023, 13h30 – Mouillage de Fare, Huahine

Journée premier-pied-à-terre. J’adore ça. Flâner dans des rues que l’on ne connaît pas encore, lancer des « Ia Ora Na » à des inconnus qui, demain, ne le seront plus, prendre ses premiers repères dans un lieu nouveau – supérette-poubelles-loueur de voitures. Sans oublier de noter les horaires de l’happy hour du yacht club. Vie nomade.

 

22 août 2023, 19 heures – Mouillage de Fare, Huahine

Bien inspirés, aujourd’hui, de louer un scooter plutôt qu’une voiture pour notre petit tour de l’île. On s’en prend encore plus plein la vue, je crois. A chaque virage le long du lagon, à chaque montée vers un belvédère, on ne peut s’empêcher de se répéter que c’est beau. Et se rappeler la chance incommensurable que l’on a d’être là.

 

 

24 août 2023, 19 heures – Huahine

11 heures – Navigation d’une petite heure, cap au Sud: changement de mouillage. Allons longer la côte Ouest de Huahine sur 5 milles, dans le lagon, entre douces collines et barrière de corail.

11h30 – Sur bâbord, le vert des forêts touffues, les toits gris des hôtels sur pilotis. Un ou deux types qui passent, tatouages de partout, sur leur va’a, donnant de temps en temps un coup de rame, avançant au rythme tranquille des ondulations du lagon. Sur tribord, un dégradé de bleus roi, turquoise, indigo puis marine, jusqu’à ce que le regard tombe au loin sur les silhouettes tranchées des îles de Tahaa et Raiatea. Un voilier nous croise sous génois entièrement déployé. Le chenal est large et la navigation, détendue.

 

Descente du lagon de Huahine, côte Ouest. En arrière-plan: les îles de Raiatea et Tahaa.
Descente du lagon de Huahine, côte Ouest. En arrière-plan: les îles de Raiatea et Tahaa.

 

13 heures – Une heure de navigation puis une heure pour trouver l’endroit adéquat où jeter l’ancre. Ne jamais sous-estimer le temps et l’énergie qui y seront nécessaires. Devant la plage de Hana Iti, les quatre corps-morts disponibles sont pris, et le sol, jonché de rochers : Jade finit par s’immobiliser mais en plongeant, je constate que l’ancre ne tient qu’à un bout de caillou. Ancrons finalement de l’autre côté du chenal, côté récif, dans une fine couche de sable. La plage est plus loin. Jade s’en fiche pas mal.

Sommes juste à l’entrée de la baie de Port Bourayne : la première route, la première maison sont bien loin. Ici, pas de réseau. Utiliserons donc l’Iridium, comme en pleine navigation, pour suivre l’évolution de la météo des jours à venir : une fenêtre de vent de Nord-Est se dessine pour dimanche, il nous faudra la prendre. Un peu tôt pour le rendez-vous du capitaine à Tahiti le 5 septembre pour faire renouveler son passeport, mais nous ne pouvons nous permettre de le rater. Comme toujours, c’est le vent qui fait le programme.

 

26 août 2023 – Mouillage de Hana Iti, Huahine

6h45 – Ce matin, disons aurevoir à des amis. Alexandra et Jean-Philippe, que nous croisons et recroisons depuis les Canaries, toujours avec grand plaisir. Avec qui nous avons passé les fêtes de 2022 seuls aux monde aux San Blas, qui étaient là pour nous accueillir au Marquises après 35 jours de mer, avec qui nous avons encore passé hier une magnifique soirée. Ils continuent vers l’Ouest, les Fidji puis la Nouvelle Zélande, alors que nous restons ici avant de faire demi-tour, dans un an, vers l’Est et la Patagonie. Avons vécu le même type d’aurevoir aux Antilles avec les bateaux-copains qui revenaient vers l’Europe alors que nous continuions dans le Pacifique. Le voyage en bateau est fait de cela, aussi. La séance photo d’adieu au lever du soleil m’a laissée toute tremblotante. Mais chut : il se peut que nous nous recroisions dans pas si longtemps que ça…

 

 

16 heures – Fou comme une journée peut basculer, en bateau. En dix heures à peine, avons vécu quatre journées différentes. D’abord l’aurevoir aux copains. Puis la petite balade matinale jusqu’au belvédère au-dessus de la plage. Le petit café avec Bianca et Andrea, deux italiens fort sympathiques rencontrés grâce à Edgard, le vieux copain du capitaine. Avions tout l’après-midi devant nous pour rejoindre Fare et nous positionner pour le départ de demain vers Tahiti. Vers 10 heures, donc, levons l’ancre… et puis non.

L’ancre ne veut pas être relevée. Rien à faire. On tente sur la droite, sur la gauche, je rembobine de la chaîne, je redonne du mou… Il faut plonger. Nous découvrons qu’à environ 25 mètres de longueur, notre chaîne passe sous un énorme rocher. Comment a-t-elle pu se retrouver là ? Le rocher a-t-il basculé ? Ou plutôt, la chaîne aurait-elle forcé le passage sous le caillou, poussée par le vent des derniers jours et le poids du bateau ? Quoi qu’il en soit, impossible de faire glisser la chaîne d’un côté ou de l’autre, et impossible de bouger le rocher – Christophe tente de faire levier avec un grand bout de tuyau que nous retrouvons au fond d’une cale… et tord le tuyau. Tentons d’établir un second mouillage afin de pouvoir dévisser notre ancre de la chaîne… la deuxième ancre n’accroche pas au fond. Ce soir, le capitaine a consommé la moitié de la réserve d’air que compte notre bouteille de plongée, et nous ne sommes pas plus avancés. Dans le soleil déclinant, avons décidé d’arrêter les frais pour aujourd’hui et pris le parti, demain, de couper la chaîne – en tentant de ne sacrifier qu’un minium de longueur.

Bloqués au paradis. Jade ne veut plus partir, et nous le fait savoir.

18h45 – Rien de tel qu’un ti-punch devant le coucher du soleil pour l’émulation intellectuelle. A l’issue de l’apéro sur le roof, donc, avons établi un plan de bataille pour demain :

  1. En plaçant le narguilé à l’avant du bateau et en avançant à l’aplomb du rocher, creuser sous le caillou pour tenter de libérer la chaîne. Avantage par rapport à l’utilisation de la bouteille de plongée : pourrons prendre tout le temps nécessaire, l’air n’étant pas compté (comment n’y avons-nous pas pensé plus tôt ?).
  2. En cas d’échec de la solution n°1 : plonger à la bouteille jusqu’à l’ancre pour la rapprocher au plus près du rocher (et du bateau). Puis, au narguilé (car cela risque de prendre du temps), dévisser l’ancre de la chaîne, dégager la chaîne, récupérer l’ancre. L’avantage par rapport à aujourd’hui est qu’il devrait y avoir beaucoup moins de vent : plutôt que d’établir un second mouillage pendant l’opération, je pourrai rester à la barre pour maintenir le bateau en place.
  3. En cas d’échec des solutions 1 et 2 : couper la chaîne, au plus court possible, puis récupérer notre ancre.

Avec tout cela en tête, on se couche plutôt optimistes. La fenêtre météo idéale pour Moorea nous passera sous le nez précisément cette nuit, mais nous ne sommes plus à cela près.

Notre navigation Tahiti-Huahine et nos péripéties au mouillage en vidéo!

 

27 août 2023 – Mouillage de Hana Iti, Huahine

7 heures – Christophe est dans l’eau, au bout du tuyau rouge du narguilé. J’attends. J’attends de savoir si nous allons rester prisonniers de ce mouillage idyllique (mais traitre) une journée supplémentaire. Je vérifie que le compresseur du narguilé ne s’arrête pas, que le groupe électrogène ne se mette pas à brouter, que les bulles de mon capitaine à 7 mètres de profondeur continuent d’éclater régulièrement en surface. J’attends, et je croise les doigts.

Mon capitaine a toujours trouvé une solution. Toujours. A chaque problème, méthodiquement. La confiance absolue que j’ai en lui est ancrée au fond de moi depuis longtemps, maintenant.

7h30 – Débloqués ! Il a fallu que Christophe creuse sous le rocher pendant trois quarts d’heure. On range tout et on se met en route.

8h15 – Moorea, nous voilà !

11h30 – Passons la pointe Sud de Huahine. Une brume blanche se dégage des rouleaux qui viennent se briser sur le récif. Au loin, à peine audible, un roulement de tambour.

Midi – Venons de sortir de la protection de l’île. 15 bons nœuds de vent au travers. Petite houle de trois-quarts avant. Prenons un ris.

 

28 août 2023 – Arrivée à Moorea

3 heures – Toujours difficile d’apprécier pleinement une arrivée de nuit. Le stress est toujours là. Même dans un mouillage déjà connu. Avons tenté une approche du mouillage de la dernière fois, en face de la plage : trop de bateaux, trop compliqué de nous faufiler parmi eux dans le noir. Avons opté pour le fond de la baie d’Opunohu.

Alors que nous nous enfonçons, lentement, dans cette entaille profonde entre les montagnes, malgré la nuit, la fatigue et la tension, la beauté de l’instant me prend aux tripes. A mesure que nous avançons, le peu de vent cesse de siffler à nos oreilles. Les murailles de pierre qui nous entourent sont des ombres immenses dans un ciel laiteux de nuages, que la lune éclaire depuis quelque part tout là-haut (mais où ?). Le ressac, la faible brise, tout s’arrête. Le silence nous tombe dessus. Puis, en arrivant en fond de baie: un chien qui aboie, un coq décalé (mais ne le sont-ils pas tous ?) qui lance sa comptine à la lune. L’air, d’un coup, sent la terre mouillée, l’humus, la vase. Nous jetons l’ancre dans 18 mètres de fond, en attendant de trouver mieux demain matin. L’île nous accueille, pour cette nuit, en ses entrailles.

20 heures – Sympathique journée de retrouvailles avec Moorea et avec nos amis Evelyne et Didier, du catamaran Mintaka. Sommes ici avec, depuis ce soir, la perspective de pouvoir explorer l’île pendant quelques jours : une place à la marina de Papeete devrait se libérer samedi matin, dans cinq jours. Merci à Manu, copain-bateau du ponton F et espion à ses heures, pour la combine.

 

 

30 août 2023 – Mouillage dans la baie d’Opunohu, Moorea

8h30 – Marcher sous la voute humide et verte d’une forêt tropicale millénaire. Mettre ses pas dans ceux des « ancêtres », qui bâtirent les marae qui nous entourent et donnèrent leur nom à ce chemin. Tenter d’imaginer les cérémonies colorées et bruyantes qui animaient cette jungle désormais silencieuse. Déboucher sur un champ d’ananas, le mont Rotui en arrière-plan, et se faire catapulter au temps présent, celui du jus de fruits en brique de l’usine d’à côté. Un rayon de soleil perce la couche nuageuse. Avec un peu de chance, on verra quelque chose au belvédère.

 

 

17h30 – Manu vient de nous rappeler : deux places de libres, ce soir, à notre ponton préféré de la marina de Papeete. On part dès cette nuit?

 

31 août 2023 – Retour à Papeete

9 heures, Moorea – Message de Manu: les deux places libres, ce matin, sont toujours là. On lève l’ancre.

13h30, Papeete – Les deux places nous sont passées sous le nez! A vingt minutes près. A Papeete, pas de réservation possible, on se débrouille comme on peut… ou pas. Sommes allés nous positionner au quai d’attente, lieu plus ou moins autorisé en bordure du jardin Paofai pour passer une nuit dans ce genre de cas. Demain matin, un catamaran identifié par Manu il y a quelques jours est censé nous laisser sa place.

Beaucoup de passage ici. Promeneurs du jeudi soir qui passent, repassent et finissent souvent par s’arrêter devant cet étrange voilier rouge stationné devant leur promenade préférée. Christophe, fidèle à lui-même, discute avec tout le monde. Les glaces coco de Manon et Mado sont à deux pas. Les bateaux-copains du ponton F passent boire un verre dans une heure. On n’est pas si mal.

 

 

1er septembre 2023, 19 heures – Marina de Papeete

Ce matin comme prévu, le catamaran nous a laissé sa place. Dans la journée, avons retrouvé notre cappuccino en terrasse de La Petite Maison rue de Nice, notre pain aux graines du Champion Paofai et, bien sûr, les glaces coco les meilleures du monde. Rentrés à la maison.

Très heureux, aussi, de retrouver notre petite famille de bateaux-copains. Demain au réveil, d’ailleurs, ce sera opération sauvetage de trottinette dans les eaux du port pour le capitaine. Violette, quatre ans et demi, l’une des petites filles de Yann et Pauline du voilier Joséphine, l’a faite tomber juste sous la passerelle du ponton F tout à l’heure. Son sourire le vaut mille fois.

Opération sauvetage de trottinette dans les eaux du port de Papeete!

 

 

5 septembre 2023, 15 heures – Marina de Papeete

Dossier renouvellement de passeport : OK. Juste une petite frayeur au moment où le préposé de la mairie d’Arue a renvoyé Christophe acheter un timbre fiscal à la Poste, deux rues plus loin. A savoir, donc : pour les démarches effectuées en Polynésie, les timbres fiscaux achetés en ligne ne fonctionnent pas, ce qui n’est écrit nulle part. Un mois et demi d’attente balayés par un timbre… L’employé de la mairie était sympa, Christophe a pu boucler son dossier tout de suite après.

Dans quatre à six semaines donc, mon capitaine pourra à nouveau passer les frontières en règle. Pouvons nous lancer dans la préparation des étapes à venir.

 

Unique achat chez Carrefour lorsque nous revenons à Tahiti: une barre à mine, qui aurait pu nous être fort utile lorsque nous étions bloqués au mouillage! On ne sait jamais...
Unique achat chez Carrefour lorsque nous revenons à Tahiti: une barre à mine, qui aurait pu nous être fort utile lorsque nous étions bloqués au mouillage! On ne sait jamais…

4 Comments

  1. Quel récit ! Que de péripéties !!! Et quels paysages splendides ! J’admire votre philosophie de vie devant vos différents obstacles, vos rencontres enrichissantes… c’est inspirant !

    Récit si bien écrit Estelle ; c’est un plaisir de te lire…et de vous suivre dans vos aventures. Je tremble quand je lis « l’ancre ne se relève pas » je n’aurai jamais imaginé cette situation possible !
    Mais comme tu dis si bien Estelle dans ton récit :
    « Mon capitaine a toujours trouvé une solution. Toujours. A chaque problème, méthodiquement. La confiance absolue que j’ai en lui est ancrée au fond de moi depuis longtemps, maintenant. »
    Vous irez c’est sur aux bouts de vos rêves !

    Encore bravo et merci pour ces récits qu’on partage souvent avec les enfants… et avec mon papa qui est le 1er à vous lire et à nous donner de vos nouvelles. Il vous suit de près et revit avec tes récits Estelle beaucoup de souvenirs, sensations, de paysages…

    On pense souvent à vous. Prenez bien soin de vous. On vous embrasse bien fort

  2. Merveilleux récit. Quelle plume.!
    Pour avoir navigué en Polynésie sur des bateaux de la Royale il y à bien longtemps , on s’y croirait. Les choses ont dû changer ( surtout à Tahiti) mais pas tant que ça !
    Un grand Bravo à Christophe pour avoir réussi à récupérer son ancre à Huahine., car les « patates » de corail sont redoutables quand la chaîne l’ancre se met autour.
    On attend la suite. Prochaine destination ?
    Amitiés
    Thierry je

  3. Merci pour ce morceau d’anthologie. Je viens de terminer la lecture et le visionnement des photos de l’épisode Moorea Huahine. Je me rends compte en fin de texte que je l’ai lu le ventre noué. Quels souvenirs croisés ! A 83 ans je me suis résigné à accepter mon âge et ces récits sont un baume. Je les vis avec une intensité extraordinaire. Evidemment des regrets mais une acceptation douce puisque je peux encore ressentir cet émerveillement bouleversant vécu en 1965. Eh oui. Grand moment de bonheur et de calme en ce dimanche matin voyant depuis mon siège les bateaux de voyage à l’ancre sous les yeux. Depuis une semaine je suis revenu à Carthagène des Indes la bien nommée.
    Pour suivez heureux et embaumez nous la vie,
    Merci, Hubert

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