Les Marquises à l’envers
Après trois semaines de récup’ à Hiva Oa, nous nous lançons dans l’exploration des Marquises. L’arrivée de notre ami Michel à l’aéroport de Nuku Hiva nous propulse directement vers le Nord… Qu’à cela ne tienne, nous visiterons l’archipel à l’encontre des vents dominants, au près, comme des warriors!
13 heures – À 5 nœuds, vent arrière, entre les îles. Tombants vert émeraude côté Hiva Oa, cocoteraies et sable blanc côté Tahuata. Le bip du pilote automatique retentit toutes les deux minutes. Histoire que l’on ne soit pas trop dépaysés quand même.
13h45 – Passons la pointe Est d’Hiva Oa escortés par les fous bruns et les dauphins gris. Le vent porte vers nous l’odeur des pins qui descend des hauteurs de l’île. On avance tout doux, sans à-coups. Minutes suspendues.
22 heures – Pleine lune comme il y a pile un mois, au milieu du Pacifique.
6 mai 2023 – Navigation d’Hiva Oa à Nuku Hiva, Marquises
2 heures – 20 nœuds de vent, bonne houle de travers. Suis complètement désamarinée, donc malade. Ne peux pas bouger, pas lire, rien faire. Mon quart se traine. Peut-être n’étais-je pas prête, trois semaines après notre arrivée de transpacifique, à reprendre la mer ? Même pour une seule nuit ?
6 heures – Deux fois que le groupe électrogène s’arrête sans crier gare. Passons en mode économie d’énergie. On reprend les bonnes habitudes.
9 heures – J’étais en train de prendre des photos de notre arrivée : Sentinelle Est sur tribord, Sentinelle Ouest sur bâbord. La baie de Taiohae, capitale de Nuku Hiva, prenait progressivement forme devant nous. Depuis quinze minutes, avions réenroulé le génois et étions passés au moteur. Vers 7h30, pile à l’entrée de la passe, arrêt moteur. Cinq essais infructueux pour le redémarrer. Nous allons vers les rochers.
Déroulage d’un bout de génois en urgence, passons le point le plus critique. Mais une fois entrés dans la baie : plus de vent. Jade devient incontrôlable. Lentement, elle dérive. Christophe s’attèle à désangler l’annexe du portique, je prépare le moteur 15 CV. L’idée : s’en servir pour récupérer une force de propulsion, et nous réorienter. Deuxième idée : mouiller par trente mètres de fond – avec nos 120 mètres de chaîne, c’est envisageable. Je file à l’avant vérifier le guindeau, au cas où : tout fonctionne. Passons en parallèle un appel VHF sur le canal 16 à destination des secours, pas de réponse. Puis un appel « All Ships » à destination des voiliers que nous voyons au mouillage devant nous, assez nombreux. Un américain répond. Il n’a qu’un moteur 3,5 CV mais se propose de faire le tour des bateaux pour demander de l’aide.
10 à 15 minutes passent. Une annexe finit par se diriger vers nous. Avec leur moteur 8 CV, amarrés à couple sur notre bâbord, ils nous permettent de nous diriger. Ancrons en bordure de la zone de mouillage, par 20 mètres de fond. Ce soir, nous leur apporterons la bouteille de champagne qui s’impose. On a eu peur.
16h30 – Christophe a passé l’après-midi dans la soute moteur. Nettoyage systématique de tous les filtres et préfiltres. Le moteur a redémarré. Sommes ancrés correctement dans un peu moins de dix mètres d’eau. Ça va déjà un peu mieux.
8 mai 2023, 12h30 – Mouillage dans la baie de Taiohae, Nuku Hiva, Marquises
Des solutions se dessinent progressivement :
- À court terme : le moteur a pu redémarrer. A priori, des impuretés s’étaient accumulées dans les filtres à gasoil – espérons qu’il n’y en ait pas une trop grande concentration dans le réservoir. Le capitaine est en train d’imaginer un système d’urgence avec notre moteur 15 CV que nous pourrions fixer sur la jupe arrière du bateau.
- À moyen terme : avons trouvé ce matin le moyen de refaire le plein de gasoil en profitant de la détaxe de près de 30% réservée aux « navires placés sous le régime de l’admission temporaire » : ici à Nuku Hiva, un agent se charge de nous avoir les papiers pour 150 euros. Compte tenu de la quantité de gasoil que nous avons à remettre, l’opération vaut le coup. Avec un peu de chance, nous pourrons nous présenter à la station-service dans quelques jours. Ce qui ne résoudra pas notre problème, mais au moins, le diluera.
- À plus long terme : avons pris la décision de nous procurer soit une petite centrifugeuse à gasoil soit un système de filtres plus performant, que nous ferons installer à Tahiti. Ce souci d’impuretés dans notre carburant est trop récurrent – il s’était déjà posé à Gibraltar : en fait, chaque fois que notre réservoir s’est retrouvé à moitié vide. Ce réservoir unique de 3500 litres est une aberration sur ce voilier : nous ne l’utilisons jamais jusqu’au bout, nous rajoutons du gasoil neuf sur du vieux. En Patagonie ou en Antarctique, nous n’aurons pas droit à l’erreur. Et avant ça, dans les passes des Tuamotu…
Malgré tout, rassurés. Allons pouvoir explorer les autres îles des Marquises plus sereinement – d’autant plus que nous aurons un invité à bord. Demain, location de voiture pour deux jours. On va penser à autre chose.
Retour de pêche sur le petit quai de Taiohae – on pensait gratter la coque l’après-midi, on a repoussé.
4h30 – Impossible de me rendormir. Cauchemar. Ai rêvé qu’en grattant la coque dans cette baie, Christophe était attaqué par un requin. Sa tête dans sa gueule. Qu’il coulait, saignait… Que j’essayais de le remonter, m’essoufflais, ne parvenais à rien… Merci les pêcheurs du petit quai.
14 heures – Michel est parmi nous ! Marrant d’avoir à nouveau un invité à bord. Lui expliquer la vie sur le bateau, le regarder prendre ses marques. Sommes allés le chercher de l’autre côté de l’île : une heure de voiture dans la montagne, d’abord sur une petite route zigzagant le long d’une corniche puis sur le plateau de Toovii, chevaux sauvages et vaches à lait dans un vert tendre de prairies mouchetées de sapins. Il faut se pincer pour se rappeler qu’on est bien aux Marquises ! Une fois basculés côté Nord-Ouest, la descente vers l’aéroport est minérale, brune, sèche au possible. Dans l’unique terminal des arrivées, un snack se dispute l’espace avec deux petits magasins de souvenirs. Lorsque je demande s’ils n’auraient pas des colliers de fleurs pour accueillir notre ami, on me répond « qu’il n’y en n’a pas en Terre Déserte, ils ne tiendraient pas, on a des colliers de graines si vous voulez… ». Le folklore en prend un coup.
Demain, balade en voiture au Nord-Est de l’île, à trois.
12 mai 2023, 8h50 – Mouillage dans la baie de Taiohae, Nuku Hiva, Marquises
Deux jours consacrés à l’entretien du bateau – l’ami Michel est plongé dans le bain directement. Hier, finalisation du système de secours en cas de panne moteur : une planche, des crochets, pas mal de sueur, et notre 15 CV peut être attaché en cinq minutes à notre échelle de baignade, sur la jupe arrière. Hier encore, obtention de l’exemption de taxe pour le gasoil : tout un dossier envoyé aux douanes de Papeete, 48 heures pour qu’il revienne tamponné.
Ce matin, opération plein de gasoil à la station Total de la baie. Le quai est immense, c’est celui des navires de fret. L’Aranui (126 mètres de long et 22 de large) y était il y a quelques jours. Il va falloir ancrer puis reculer, cul à quai : une toute nouvelle manœuvre pour nous – youpi! C’est parti pour 2000 litres.
Demain, pause technique : petite rando avec guide sur le plateau tout vert de Toovii.
14 mai 2023 – Mouillage dans la baie d’Hakaui, Nuku Hiva, Marquises
14 heures – Ce matin, changement de mouillage : moins de cinq milles vers l’Ouest, depuis la baie principale de Taiohae jusqu’à la petite anse d’Hakaui. Entrée spectaculaire dans ce que l’on nommerait, aux Antilles, un parfait trou à cyclone : un passage étroit entre de hautes falaises, des vagues déferlantes de tous les côtés, puis le calme plat. Pas une onde de houle sous la coque. Le capitaine et moi échangeons un regard : oreilles rivées sur le bruit du moteur, étions tous deux très tendus lors de cette entrée, prêts à nous jeter sur le système d’urgence en cas de panne au mauvais moment. C’est passé.
17 heures – Plage de sable blanc sur le devant, falaises de 800 mètres de haut derrière, biquettes bêlant dans la garrigue sur tribord (on les entend mais on ne les voit pas), une petite dizaine de voiliers au mouillage sur bâbord. Cette anse me fait penser à certains mouillages des Canaries, Los Gigantes à Tenerife, par exemple, ou Valle Gran Rey à La Gomera. Pour l’anniversaire du capitaine, on est bien.
15 mai 2023, 15 heures – Mouillage dans la baie d’Hakaui, Nuku Hiva, Marquises
Avons trouvé, peut-être, notre jardin d’Eden polynésien : la vallée d’Hakaui, avec tout au fond, la cascade de Vaipo. Avons suivi le chemin de pierres qui s’enfonce entre les parois de basalte, celui qui menait autrefois au fief du roi Moana et de la reine Vaekehu. D’abord, non loin de la mer, quelques maisons de bois et taule aux jardins luxuriants et magnifiquement entretenus : pamplemoussiers, citronniers, arbres à pain et manguiers rivalisent de couleurs au milieu d’une pelouse que l’on croirait tondue de la veille – et qui l’est peut-être, puisque nous croisons plusieurs personnes actionnant le Rotofil avec vigueur. Ne manquent plus que les nains de jardin. Puis le sentier s’enfonce dans la vallée qui devient de plus en plus étroite, humide, boisée. On traverse plusieurs fois la rivière, de l’eau parfois au-dessus des genoux. On marche entre des soubassements de pierre attestant de l’occupation ancienne des lieux. Arrivés en fond de vallée, n’admirons la fameuse cascade de 300 mètres de haut que de loin : la gorge est trop étroite et un panneau prévient « danger, chute de pierres ».
En revenant, tombons sur Kua, qui nous propose de déjeuner dans son mini-restaurant : une table et trois tabourets dressés dans son jardin avec au menu, thon grillé pêché du jour aromatisé au basilic sauvage sur son lit de frites d’uru. Petite salade mangue-goyave pour adoucir le tout. On dit oui. Après le repas, lorsque nous lui demandons si elle vent les fruits de son jardin, elle nous demande de suivre son mari, Teiki. Ce dernier escalade le manguier en trois secondes, nous cueille quatre beaux fruits. Sommes encaissés par les deux petites nièces qui sont ici en vacances – elles vivent chez leur père à Toulouse le reste de l’année. J’ai le malheur de leur demander leur prénom et ce qu’il signifie, elles hésitent: voici donc Heikaupe, « couronne de fleurs », et Taakaioi, « jeune fille de la légende qui transmet la culture des ancêtres aux plus jeunes et qui accompagne l’âme des morts vers l’au-delà ». J’ai tout noté.
17 mai 2023 – Mouillage dans la baie de Hakahetau, île Ua Pou
14h30 – Pour rejoindre l’île de Ua Pou depuis Nuku Hiva, navigation courte mais éprouvante : cinq heures seulement, mais dans 20 nœuds de vent au près bon plein et deux mètres de houle. Michel, peu amariné, a passé l’épreuve comme une fleur – plus facilement que moi, qui n’ai pas pu bouger de mon siège. Quelques milles avant l’arrivée, hésitons entre la baie d’Hakahau, à l’Est de Ua Pou, où se situe le village principal, et celle d’Hakahetau, côté Ouest. Deux voiliers devant nous optent pour la première option. Le vent et les vagues nous poussent naturellement vers la seconde, nous nous laissons porter. Dans tous les cas, Ua Pou est une île bien différente de la Nuku Hiva verdoyante que nous avons quittée ce matin : sécheresse à tous les étages excepté tout là-haut, où se dressent les piliers de pierre qui ont donné leur nom à ce bout de caillou dans l’océan – pou signifie « pilier ». Tentons de deviner les légendes qui, nécessairement ici, les entourent : on imagine des histoires de gardiens, de dieux de la montagne, protégeant de toute leur superbe les vallées sèches d’en-bas peuplées de faibles Hommes… Il faudra vérifier.
19 heures – Entrée en matière chez Ti-Pierro, qui tient le resto-snack de la vallée. Ex-maître d’hôtel dans la marine nationale, il nous parle ravitaillement, randos, Bretagne, tatouages marquisiens et politique territoriale polynésienne. Il nous raconte son coup de foudre pour une marquisienne à Tahiti, puis la naissance de ses quatre enfants, puis quatorze petits-enfants. Ça mène loin, l’amour des Marquises.
18 mai 2023, 17 heures – Mouillage dans la baie d’Hakahetau, Ua Pou, Marquises
Fin de journée à Hakahetau. Un soleil d’or se couche sur les piliers de pierre au centre de l’île. Au village, adultes et adolescents jouent au volley ou à la pétanque sur la place principale, sur le front de mer. Des femmes discutent sur des chaises en plastique en veillant sur une table garnie de fruits et de boissons. Les enfants jouent dans l’eau, les plus grands sautent directement dans le port, les plus petits pataugent dans un bassin naturel formé au pied d’une pierre que l’on croirait taillée de main d’Homme. Une antique chaîne Hi-Fi à l’arrière d’un pick-up balance les accents d’une voix suave sur fond de ukulele. Quatre bateaux au mouillage ce soir, il y a foule.
Plus tôt, avons déjeuné chez Ti-Pierro. Comme nous l’espérions compte tenu du passé de cuistot qu’il nous a compté hier, ce fut excellent. À la table voisine, un groupe de randonneurs, avec leur guide. Tout ce petit monde papote joyeusement. Une journée comme on les aime: ne pas faire grand-chose, écouter les gens. Notre premier espresso depuis des lustres.
20 mai 2023, 20 heures – Mouillage dans la baie d’Hakahetau, Ua Pou, Marquises
Elle se mérite, la rencontre avec Poumaka-le-guerrier. Le plus grand des douze pics. « Pour beaucoup de marquisiens, monter le voir est un pèlerinage », nous explique Jérôme, notre guide du jour. « Le toucher, ressentir un peu de son mana, est un instant privilégié ».
Jérôme, pendant la rando, nous a raconté… Poumaka était le plus jeune des pics-guerriers de Ua Pou. Un jour, il décida d’aller provoquer en duel le guerrier Matafenua, sur l’île voisine d’Hiva Oa. Il savait Matafenua très brave et très fort, mais connaissait son point faible : son pied. C’est là qu’il l’attaqua. Le géant de pierre, après s’être battu comme un lion, finit par s’affaisser… C’est pour cela que Matafenua, à Hiva Oa, n’est plus aujourd’hui un pic, mais un isthme : le colosse est mort, tombé dans la mer. Revenant sur son île de Ua Pou en vainqueur, la tête de Matafenua à sa ceinture, Poumaka la fit tomber à l’eau – raison pour laquelle un rocher rond se dresse aujourd’hui près de la côte, non loin de la piste de l’aéroport, et que le pic Poumaka présente une coulure rouge au côté. Poumaka retourna parmi ses aînés mais par respect pour eux, pris place dans une crevasse du terrain. Aujourd’hui, marcher jusque Poumaka c’est marcher jusqu’au pic le plus haut de Ua Pou des pieds à la tête, mais pas en altitude: guerrier vainqueur mais humble. Guerrier accompli.
21 mai 2023, 8 heures – Départ d’Hakahetau, Ua Pou, Marquises
Aujourd’hui, changement de baie : passons du Nord-Ouest au Nord-Est de Ua Pou, officiellement afin de nous positionner pour le départ de demain – le vent est censé tourner au Nord-Est pendant 24 petites heures, juste le temps pour nous de descendre vers Tahuata, plus au Sud. Officieusement, il se peut que nous ayons une chance de croiser ici Teva, encore un ex-camarade du capitaine, reconverti en pilote d’avion. Jérôme-le-guide a joué les entremetteurs : ce soir nous dînons chez lui, a priori en bonne compagnie.
Cinq milles à faire, ce matin donc, pour rejoindre « la ville ». Longeons la côte brune et pelée d’une des îles les plus sèches des Marquises. Passons devant la petite piste de l’aéroport, réputée comme étant la seconde plus dangereuse au monde. Assise sur le roof côté tribord face aux pics-guerriers jouant avec la lumière du matin, je n’en reviens toujours pas d’être ici.
Teva en pleine action devant la caméra de France 5!
22 mai 2023 – Départ de Ua Pou, Marquises
6h30 – Petit plouf matinal dans la baie d’Hakahau, soleil à peine levé, pour aider le capitaine à relever notre ancre arrière. Avons trouvé une technique à deux qui ne fonctionne pas trop mal : Christophe dans l’annexe à tirer la chaîne, moi dans l’eau à dégager l’ancre du mieux que je peux. En dix petites minutes, c’est réglé. Pas comme si nous avions appris hier, autour du repas, que le coin était infesté de requins.
8h30 – Jamais vécu une navigation au près aussi tranquille. Avançons à 6-7 nœuds avec 15 à 17 nœuds de vent à 60 degrés sur notre tribord, directement vers Tahuata, notre objectif du jour. J’avais pris un cachet et conseillé à Michel de suivre mon exemple. Pour rien.
19h30 – Mouillage de nuit devant la baie d’Hanamoenoa, au Nord de l’île de Tahuata. Navigation superbe tout du long. Me serais juste bien passée de cette arrivée dans le noir total, dans une baie déjà bien remplie, profonde et rocheuse par endroits. Découvrirons son vrai visage demain, au petit matin.
24 mai 2023 – Mouillage dans la baie d’Hanamoenoa, Tahuata, Marquises
10h30 – Matinée « Robinsons Crusoé du dimanche » sur la plage. Christophe avait pris son coupe-coupe, c’est tout dire. Avons tenté de trouver un sentier qui mènerait au village de la baie d’à côté. En vain. Avons arpenté la cocoteraie abandonnée dans tous les sens. Sommes bel et bien coupés du monde.
11h30 – Levons l’ancre pour Hiva Oa, une poignée de milles à parcourir. Quittons l’ambiance « plage abandonnée » pour celle d’une baie étroite proche de la ville, que nous savons surpeuplée.
Michel n’a pas encore vu Hiva Oa. Pas encore marché dans les traces de Gauguin, de Brel. Pas encore rencontré notre ami Paco et son épouse, Patricia. Et puis pour nous, retourner à Hiva Oa a une saveur bien particulière : celle de nos premiers pas en Polynésie, après 35 jours seuls sur la mer. Toujours je garderai, je crois, Hiva Oa dans un coin bien douillet de mon cœur.
Une courte fenêtre météo se dessine pour mardi, dans cinq jours, pour descendre sur Fatu Hiva: le vent tourne au Nord-Est pendant moins de 24 heures. Notre escale à Hiva Oa sera courte. Charge à nous de la rendre intense.
26 mai 2023 – Mouillage dans la baie de Tahauku, Hiva Oa, Marquises
14h30 – Retour à Hiva Oa depuis hier. Arrivés juste la veille de l’Aranui, qui décidément nous suit partout. Mesurons bien, après un mois et demi aux Marquises, à quel point le cargo mixte rythme la vie des îles. Ici, tous l’attendent avec impatience. De ses rotations dépendent de ravitaillement des petits commerces, les moments de cueillette des fruits… Pamplemousses, citrons et avocats marquisiens sont exportés par son intermédiaire aux Tuamotus (où rien ne pousse à part les cocotiers), puis jusqu’à Tahiti. Si l’Aranui est en retard ou que son trajet est modifié (notamment pour complaire aux touristes, dixit Ti-Pierro), c’est toute une économie locale qui se trouve chamboulée, des fruits cueillis qui pourrissent sur le quai.
C’est en l’honneur des passagers de l’Aranui que s’est tenu, ce matin sur la place centrale d’Atuona, le marché artisanal. Les sculpteurs sur bois ou sur os, les peintres sur écorce, les pyrograveurs de bambou, sont venus de toutes les vallées de l’île, et même de Tahuata. En avons profité pour saluer Patricia, l’épouse de Paco, venue exposer ses paréos peints à la main. Sa voisine de gauche vendait un miel excellent, et celle de droite… d’étonnantes flûtes marquisiennes.
Jouer de la flûte avec le nez… vous avez déjà essayé?
L’Aranui lance ses moteurs, s’écarte lentement du quai. À bord de Jade, nous admirons la manœuvre et la dextérité du capitaine du cargo, qui nous fait un demi-tour parfait dans un mouchoir de poche. Pendant ce temps là, juste devant nous, le voilier australien recule, recule… Un voisin de mouillage espagnol, mieux placé que nous pour voir la catastrophe qui s’annonce, met son annexe à l’eau. Il s’interpose quelques secondes avant que le voilier ne percute notre étrave. Michel et moi sortons les pare-battages, Christophe monte vite à bord du voilier à la dérive. Nous parvenons à dévier sa course de justesse. Je pars vite en annexe prévenir les trois hommes sur leur barge, en attente à l’autre bout du mouillage. Ils ont vu la scène et foncent dans notre direction. Dix minutes plus tard, le voilier australien est réancré à sa place originelle – à peu de choses près. Jade n’a rien senti. L’Aranui s’éloigne tranquillement dans la baie.
La catastrophe évitée de justesse, Michel pense à sortir la tablette pour prendre quelques images – avec les assurances, on ne sait jamais!
8 heures – Dernière journée à Hiva Oa. Hier, avons comme il se doit dit aurevoir à Paco et Patricia, sans qui notre expérience aux marquises eût été toute différente. Demain la vent tourne au Nord-Est, Fatu Hiva nous attend. Paco nous a fourni le contact d’un cousin qui, dans cette dernière escale marquisienne, pourra nous vendre les fruits et légumes, quasi introuvables dans les commerces, dont nous aurons besoin pour nos quatre à cinq jours de traversée vers les Tuamotu. La fille de Michel, son gendre et leur fille de 18 mois, installés pour quelque temps là-bas dans les atolls, comptent sur nous pour leur ravitaillement. Jade sera, le temps d’une traversée, un mini-Aranui.
15 heures – En fait non, départ repoussé à après-demain, 31 mai. Le vent devrait passer de l’Est au Nord-Est, encore mieux pour nous.
17h30 – Paco vient d’appeler: il nous apporte un sac de 15 kg de pamplemousses du jardin de son oncle, « les meilleurs d’Hiva Oa, vous verrez ». Les Marquises vont nous manquer.
Coucou Estelle, elles sont bien belles, tes photos ! De quoi se dire qu’après tout, les Marquises pourraient se trouver sur la route de Nimic II… Je vous embrasse!
Bonjour à vous deux.
Quel plaisir de vous lire. Un grand merci pour ce partage d’expérience. J’admire le travail que cela représente. A chaque lecture ou visionnage de vos vidéos, j’ai hâte de voir la suite.
Dans un mois, je pars pour trois mois sur mon bateau pour un voyage beaucoup moins ambitieux que le votre, St Cast Le Guildo, La Hollande. 🙂 Mais je pense avoir la possibilité de vous suivre avec quelques connections possibles.
Bonne continuation et profitez toujours plus de votre aventure.
Didier LEVILLAIN
Excellent !
Merci à vous pour ces belles photos et ces textes toujours bien écrits,
Un vrai plaisir de vous suivre depuis l ‘île d’Aix jusqu’aux Marquises,
A bientôt,
Bon vent
François
Bonjour Estelle et Christophe,
Concernant votre gazole, pour moi, vu le récit et la façon dont il y a panne, et comme le moteur ET la génératric s’arrêtent, bactéries, filtres bouchés.
Ça va coûter cher en filtres…
Je ne connais pas votre installation, est-ce qu’il y a un robinet d’arrêt en sortie et entrée du circuit carburant du réservoir ou pas ? Dans ce cas, isoler le réservoir, trouver un filtre tamis centrifuge du genre « Mr. FUNNEL » et avec une pompe électrique, faire tourner en premier lieu le réservoir pour essayer de nettoyer le plus gros. Ça s’appelle « polisher » le carburant, terme anglais. Ensuite, il faudra trouver de l’anti-bactérien efficace, si possible s’adresser à un professionnel ou à un agriculteur ou une coopérative agricole sur place pour ce genre de produit car eux aussi ont le même problème que les bateaux. et calculer pour une dose d’attaque, pas une dose d’entretien.
Normalement, il aurait fallu nettoyer avant de faire le plein… mais bon, je comprends.
En curatif, il faudra vidanger le réservoir, nettoyer le réservoir par trempage et aspirer le contenu pour évacuer le nettoyant ainsi que les salissures. C’est là qu’un filtre du genre Mr Funnel est utile car on peut récupérer une partie du gasoil au lieu de le jeter…
A cela, il sera également nécessaire de nettoyer tout le circuit d’alimentation, de remplacer les filtres à carburant et de filtrer le carburant.
Et enfin, ajouter l’additif au carburant afin de détruire les bactéries et autres micro-organismes toujours présents.
La solution du réservoir nourrice à placer AU DESSUS du moteur à alimenter, donc en charge, sans pompe à carburant ni circuit pollué par les bactéries est une autre solution si on a assez (ou trouvé) du tuyau carburant pour alimenter directement le moteur sans passer par la pompe à gazole, il faut tout de même récupérer le surplus de gazole non brûlé qui sort du circuit moteur pour le remettre dans le réservoir en charge… Fastidieux, mais en cas d’urgence et en espérant qu’il n’y a pas de baston, ça va.
Bonjour l’odeur de mazout dans la cale chaude plus le baston si c’est notre « petit bouchon » national qui s’y colle… 🙁
Amicalement, Philippe