Journal de Transpac (3/3) – Un mois, c’est quand même long…

Suite et fin de notre plus longue navigation à ce jour. De couchers de soleil en pleines lunes, de grains en grains, de pilotes qui bipent en petits plats qui font du bien, plongez dans le quotidien de deux marins… qui aimeraient bien ARRIVER!

 

25 mars 2023 – Transpacifique, jour 14

4 heures – Le vent n’est pas très soutenu, 10-14 nœuds depuis le début de la nuit, mais il est constant. Jade glisse en silence dans le noir. Celui de quart n’est pas constamment à se demander si les voiles vont tenir, ne pas trop battre, s’il ne faudrait pas, peut-être, mettre un coup de moteur pour avancer au moins de quelques milles. Celui qui dort, dans son sommeil, sent tout cela. Et dort mieux.

17h30 – Du vent, pour de vrai ! 15 nœuds la nuit dernière et depuis, presque 20. Quel changement ! La vie à bord, deux semaines après le départ, en est toute chamboulée. Car qui dit 20 nœuds de vent dit… houle ! Nous en avons une petite, d’un mètre ou deux, mais complètement désordonnée. Résultat : compliqué d’évoluer à l’intérieur du bateau sans se cogner ou faire tomber un objet que l’on a laissé moins de deux secondes sans attention. Les surfaces planes n’existent plus. Ou plutôt si : elles existent à l’instant t, mais plus à l’instant t+1. Compliqué, a fortiori, d’essayer de cuisiner. La journée a donc été principalement consacrée à habituer tranquillement notre corps à la nouvelle donne : on a bouquiné et mangé des restes.

 

 

21h30 – Qu’est-ce qui fait, quelles circonvolutions de la vie font qu’un jour, on se retrouve sur le Pacifique, à 2000 kilomètres du continent le plus proche, à regarder le croissant doré de la lune descendre à l’horizon ? Je le regarde et je me dis que je n’ai toujours rien compris aux cycles de la lune. J’aurai passé tellement de temps à la contempler, il faudra quand même un jour que j’étudie la question.

 

26 mars 2023 – Transpacifique, jour 15

18 heures – Venons de recevoir la récompense d’une journée pas évidente. 24 heures à 20-25 nœuds de vent, avec surtout toujours cette bonne houle de deux mètres qui ne ressemble à rien, transformant la moindre activité à bord en expédition. Mais ce soir… Une heure avant la fin du jour, des globicéphales sont passés nous saluer. Christophe prenait sa douche sur la jupe arrière lorsqu’il a vu un dos noir émerger de l’eau, puis deux, puis trois, là, tout près. Tout un groupe, une trentaine d’individus environ, dont des petits. Certains sont restés quelques minutes jouer à l’avant du bateau, comme leurs cousins dauphins que nous avons plus l’habitude de voir se comporter de la sorte. La fatigue et la tension de la journée aidant, tant de grâce, soudaine et rien que pour nous, nous a fait monter des larmes. La mer joue avec nos nerfs, un coup vers le haut, un coup vers le bas, mais sa beauté finit toujours par nous ramener, parfois en quelques minutes, à une sorte d’admiration béate. Pouvoir la contempler comme nous le faisons est une grande chance.

 

 

20h20 – Le croissant de la lune, un peu plus large qu’hier, un peu moins que demain, fait étinceler la cime des vagues. À notre arrière tribord, un étrange halo blanc est posé sur l’horizon – je l’avais déjà remarqué hier en fin de nuit, mais sur notre avant. Avant que le capitaine ne se mette au lit ce soir, les hypothèses sont allées bon train : un effet d’optique de la lumière lunaire dans les nuages bas ? Les feux lointains de bateaux de pêche en pleine action, que l’on dit nombreux à proximité des Galapagos – que nous avons tout de même doublées il y a une semaine ? À moins que notre GPS, totalement faussé, nous aie ramenés près d’une côte et d’une grande métropole qui brillerait, tout là-bas, dans le noir ? Reste l’hypothèse d’une invasion extraterrestre. Il est temps que l’un de nous deux aille se coucher.

 

27 mars 2023 – Transpacifique, jour 16

22h45 – Avec les alizés qui, à présent, nous poussent, les jours risquent de se ressembler. Sommes à peine à la moitié du trajet. Restent les nuits, et les étoiles.

 

28 mars 2023 – Transpacifique, jour 17

3h15 – Moment le plus dur de la traversée, et qui se répète inlassablement chaque nuit : le premier réveil, de quand l’on a que trois heures de sommeil derrière soi. Pour Christophe il est à 23 heures, pour moi, à 2 heures du matin. La tête dans le pâté, les jambes flageolantes, trop chaud. On marmonne bonne nuit à l’autre et on part s’affaler sur un siège, dehors. Tenir trois heures semble impossible. Et on tient.

15 heures – Ce midi, avons passé la barre des 2000 milles restant à parcourir. Pendant la nuit, passerons celle des 2000 milles parcourus. La mi-chemin, donc. Nous y sommes.

Était-ce le signal qu’inconsciemment, nous attendions ? Venons de sortir le Lonely Planet et les guides nautiques de Polynésie. Nos amis Alexandra et Jean-Philippe du catamaran Yapluka, qui devraient toucher l’île d’Hiva Oa dans 48 heures, commencent à nous faire suivre des mails d’infos concernant l’arrivée. Nos cerveaux commencent, lentement mais sûrement, à basculer de l’autre côté.

 

Pas un coucher de soleil ne ressemble à un autre.
Pas un coucher de soleil ne ressemble à un autre.

 

20h30 – Dormi pratiquement tout l’après-midi. Maintenant j’ai compris : j’écoute mon corps.

 

29 mars 2023 – Transpacifique, jour 18

8 heures – Au lever du jour ce matin, j’entends bip-bip dans un demi-sommeil. Cinq minutes après, Christophe me réveille. Nouvel arrêt de nos pilotes hydrauliques. « Il va falloir que tu tiennes la barre Petit Bouchon, que j’essaie de comprendre ce qui se passe ». J’ai dormi 4 heures, je prends la barre, Christophe plonge dans la soute arrière. L’esprit embrumé, je parviens à remarquer à quel point le lever de soleil, bien rouge derrière nous, est beau. Avec l’organisation de nos quarts, je ne le vois jamais.

Au bout d’une heure, Christophe a changé une pièce minuscule du système électrique, un pauvre domino en plastique à moitié fondu… et ça remarche. Jusque quand ? Une chose est sûre : ce souci de pilote aura donné une teinte bien particulière à cette transpacifique. Une teinte rouge de stress permanent.

11 heures – J’ai fait du pain pour me détendre. Christophe, un nouveau routage. Chacun sa méthode. Chaque fois que nos regards se croisent, nous lisons la fatigue et la tension dans les yeux de l’autre. Nos sourires sont timides, voilés. P….. de pilotes.

14h30 – Pâte à pain superbe, bien levée, graines de chia et de sésame, parfaite. Une erreur d’inattention, une vague et paf, le saladier se retrouve par terre. Explosé. Éclats de verre et graines de chia. Au passage, petit éclat dans la plante du pied. Pour le plaisir.

Pas mon jour. Il faudrait que je dorme, je n’y arrive pas.

18h30 – La boule orange du soleil sur le fil de l’horizon a tout rattrapé.

 

30  mars 2023 – Transpacifique, jour 19

3h40 – La journée fut difficile. Surtout, tenter par tous les moyens de garder un esprit positif. Me concentrer sur mon capitaine. Prendre soin de lui. Hier soir, il ne voulait pas manger, cette histoire de pilotes lui avait noué l’estomac : je n’avais pas faim non plus, pourtant, j’ai cuisiné. Du marlin, du mieux que j’ai pu. C’est la modeste valeur ajoutée que je peux avoir au sein de cet équipage: mijoter des petits plats simples. Et nos sourires étaient plus vrais que tous ceux que nous nous étions échangés dans la journée.

15 heures – Pas de vent. C’est quoi, ces alizés ?

 

Nous jonglons entre génois et code zéro pour tenter de maintenir une vitesse acceptable ( à partir de 4 nœuds, on est contents).
Nous jonglons entre génois et code zéro pour tenter de maintenir une vitesse acceptable ( à partir de 4 nœuds, on est contents).

 

31  mars 2023 – Transpacifique, jour 20

Midi – Encore une matinée dans la soute pour Christophe, mais pas la même : la soute moteur, cette fois. Vers 5 heures, quelques minutes avant notre changement de quart, il s’est mis à brouter… Le capitaine a passé plusieurs heures à nettoyer les filtres décanteurs, dans lesquels des saletés s’étaient accumulées.

21 heures – Fatigués. Journée passée à faire un bord Nord-Ouest pour se positionner en vue des jours à venir : l’impression qu’on s’éloigne du but… Le code claque. Les alizés nous avaient accordé 12 petits nœuds toute la journée, ils sont redescendus à 9.

22h30 – Le demi-disque de la lune croissante m’accompagne à présent pendant tout mon premier quart. Puis reste pour celui de Christophe. Hier, je l’ai encore retrouvé sur notre tribord pour mon quart de deux heures du matin. De jour en jour, de nuit en nuit, la mer est plus lumineuse. Il fait nuit blanche.

 

1er avril 2023 – Transpacifique, jour 21

10 heures – Réveillée à 8 heures du matin par un capitaine qui s’est cru drôle : «  Estelle Estelle, des baleines, vite, elles vont partir ! ». Je me précipite dehors. Poisson d’avril !!! Manière efficace et plutôt élégante, je ne l’ai compris qu’après, de me rendre rapidement opérationnelle pour l’aider à gérer le gros grain qui s’annonçait.

20h30 – Très belle journée. Un peu plus de vent que les jours précédents, pas de souci technique, bien dormi la nuit précédente : les trois ingrédients-clé d’une journée en mer réussie.

 

 

Les bateaux-copains partis avant nous commencent à arriver au compte-goutte aux Marquises. Depuis Hiva Oa, Alexandra et Jean-Philippe nous écrivent que « c’est encore plus beau que tout ce que vous pouvez imaginer ».

En écrivant ces lignes dans mon carnet rouge, ma douleur à la main droite, ressentie à plusieurs reprises aujourd’hui, se réveille : une mini-tendinite causée par le lovage trop fréquent de nos écoutes neuves (donc rigides)… Bonjour le marin.

 

2 avril 2023 – Transpacifique, jour 22

3h15 – J’assiste en direct à une course-poursuite entre la lune, pleine à 90%, et un gros nuage noir. D’habitude lorsqu’elle descend à l’horizon, comme à cette heure, et qu’un nuage la happe, elle disparaît. Perdue pour la communauté. L’obscurité a gagné. Mais là, non : elle disparaît puis réapparaît, chaque fois. Le nuage l’attrape, lui passe devant, et paf elle feinte, aidée par la forme irrégulière de son adversaire, et ressort par un autre côté, où on ne l’attendait pas. Cette nuit, la lune fait de la résistance et il n’y a que moi pour applaudir au spectacle.

4h30 – Depuis une petite heure, le vent souffle entre 15 et 20 nœuds. Quel plaisir de sentir Jade glisser sur l’eau ! Depuis le début de cette traversée, ça n’est pas arrivé si souvent. 5,5 nœuds de vitesse, presque 6, on croit voler !

13h15 – Temps différent, aujourd’hui. Plus gris. Plus de houle. Plus de vent : 20 nœuds en moyenne, nous avançons bien, sous génois seul. Christophe maintient qu’avec une coque propre, nous gagnerions facilement un demi-nœud. Ce qu’il a vu lorsqu’il s’est mis à l’eau il y a dix jours l’a désespéré : des pousse-pieds partout ! Il avait gratté, mais de façon superficielle, et regrette à présent de ne pas y avoir passé plus de temps. « Toujours faire les choses au moment où l’on peut les faire ». Il me le répète pourtant assez souvent.

Aujourd’hui dimanche, cela fait trois semaines pile que nous avons quitté Panama. Comme pour la première et la deuxième, il me faut marquer le coup d’une manière ou d’une autre : après la mousse au chocolat du jour 8 et les rochers coco du jour 15, vais tenter le flan coco du jour 22. Avec la houle, cuisson au bain-marie, je suis peut-être un peu ambitieuse. Christophe dit que j’en fais trop. Mais il commence à y avoir de la place dans le frigo, il faut en profiter. Demain matin au petit-déj, il me remerciera.

 

 

18 heures – Succession de grains tout l’après-midi. Ça commence par un gros nuage plus sombre que les autres, sur notre bâbord : vu le sens du vent, il se dirige vers nous. Christophe, d’assis dans le cockpit, passe en position debout. Puis le vent tombe complètement, avalé par la masse noire qui s’avance. Jade valdingue dans tous les sens, elle ne sait plus où elle va, le génois claque. Le capitaine a le nez en l’air, il renifle le temps, enroule un bout de génois « comme ça il claquera moins, et on sera prêts pour la suite… apporte-nous les cirés ». Le temps que je les décroche, le vent est passé à 20 nœuds. Christophe a la main sur la manivelle du winch, « on rembobine encore un peu ». Aujourd’hui, ce sera rafales jusqu’à 30 nœuds.

Jade n’a pas bronché, nous étions prêts. Pourtant ma gorge, malgré moi, s’est serrée : par moments, la violence et le mystère de ce grand Rien qui nous entoure me dépasse un peu.

21 heures – Christophe vient de passer deux heures à tenter de réamorcer le groupe électrogène, sans succès. Faisons tourner le moteur au ralenti pour recharger les batteries. Il est parti se coucher, sans grand espoir de fermer l’œil. Ce soir pas de lune, pas d’étoiles.

 

3 avril 2023 – Transpacifique, jour 23

3h50 – Cette nuit, après mon second quart, j’irai me coucher dans notre cabine avant plutôt que sur la couchette du carré. Lorsque le bateau ne bouge pas trop, j’y dors mieux : plus isolée des bruits de la navigation. Ce qui est à double tranchant: si un problème survient, il y a peu de chances que je l’entende. Encore une fois, je me repose aveuglément sur mon capitaine. Mon projet pour aujourd’hui : dormir la journée ENTIÈRE.

11 heures – Levée à 10 heures, après 5 heures d’affilée d’un sommeil profond. Suis dans cet état vaseux qui suit une grosse nuit de récup. Il m’en faudra plusieurs.

Pendant que je dormais, dès six heures du matin, Christophe est retourné dans la soute moteur. Il a checké le circuit du groupe électrogène tuyau par tuyau, collier par collier, et a fini par déboucher un truc. Il a pu le relancer. Je le savais. Ce qui fait que même dans ces circonstances, moi qui ne peux lui être d’aucune utilité dans la soute, je dors.

Aujourd’hui mêmes alizés qu’hier, assez soutenus à 15-20 nœuds, avec la houle de deux mètres qui les accompagne. Cette fois, avec du soleil. Commençons à faire de savants calculs sur notre jour probable d’arrivée.

 

 

21h45 – Le vent est redescendu sous les 15 nœuds. Imperceptiblement, Jade ralentit. Sous la lune presque pleine, la houle s’est assagie. On n’avance plus, mais qu’est-ce que c’est reposant ! Dilemme perpétuel entre vitesse et confort.

 

4 avril 2023 – Transpacifique, jour 24

3h30 – La mer et le vent se sont bien calmés. J’ai rattrapé une partie de mon sommeil en retard des derniers jours. Martin Eden et le disque de la lune m’accompagnent en continu depuis le début de la nuit. Pour l’instant, aucun nouveau souci technique n’est venu la troubler. Je sens mon corps, mon esprit qui, chose plutôt rare ces derniers temps, consentent à décrocher un peu. Je sais qu’il n’en est pas de même pour mon capitaine, connecté H24 à son bateau jusqu’à ce que nous arrivions à bon port, et encore après. Demain, on enverra le code et je ferai du pain.

20h45 – Journée tranquille. Mais il a suffit de quelques bip-bip de pilote en fin de journée pour nous remettre sur les nerfs. Christophe est fatigué : les soucis techniques nous épuisent. Ça n’est pas la traversée tranquille que nous imaginions.

Une fois en Polynésie, il faudra s’atteler à résoudre chacun de ces problèmes, un par un. À « reprendre confiance » dans un certain nombre d’équipements, comme dit Christophe. Notre confiance en Jade elle-même, heureusement, est intacte. Pour l’heure, il nous faut tenir encore une dizaine de jours avec, en fond sonore et au fond de nos têtes en permanence, des bip-bip inexpliqués.

 

 

5 avril 2023 – Transpacifique, jour 25

22h30 – La pleine lune est une boule blanche à laquelle on voit des rides et des trous. Elle paraît si proche, ici, en pleine mer ! Étrange de se dire que l’endroit précis où je suis, là-maintenant-tout-de-suite à la surface du globe, je ne m’y retrouverai plus jamais dans ma vie. Et celui-ci non plus, d’ailleurs. Et celui-là.

 

6 avril 2023 – Transpacifique, jour 26

14 heures – Depuis ce matin, les alizés nous ressoufflent dans les 15-20 nœuds. On va un peu plus vite. Ce matin, avons passé la barre des 1000 milles restant à parcourir. Une grosse semaine.

Ce midi, avons cuisiné le dernier gros légume du bord : un butternut, préparé façon petite sœur: simplement au four avec plein d’épices et un filet d’huile d’olive. Restent encore quelques carottes, oignons, pommes de terre et citrons verts. Ensuite, ce sera les boîtes. Ça commence à sentir la fin… non ?

 

 

7 avril 2023 – Transpacifique, jour 27

10 heures – Journée en demi-teinte. Comme le ciel gris-bleu chargé de grains qui ne sait pas s’il doit plutôt nous souffler 25 ou 8 nœuds de vent. On avance vite (pas longtemps), puis on n’avance plus.

Journée fatiguée, le cerveau entre deux mondes : celui de l’Océan Pacifique à perte de vue, et celui des steppes afghanes du livre que j’ai commencé cette nuit. L’onde verte sur laquelle chevauchent Les Cavaliers de Kessel se confond avec la longue houle bleue où je tangue. Mal dormi la nuit dernière. Une semaine, encore, avant d’espérer arriver. J’ai renoncé à regarder l’heure, la date. Le temps ne ressemble plus à rien.

17h30 – On s’est trainés à 4 nœuds toute la journée. À ce train-là, il va nous falloir encore deux semaines. Christophe voudrait plonger pour gratter la coque pour gagner, dit-il, un demi-noeud de vitesse, mais notre ami Fred 300 milles derrière nous, qui l’a fait hier, s’est fait brûler par un filament de méduse dont il a mis une heure à se dépêtrer. Dans l’eau, la spatule à la main, il s’est retrouvé avec le bras droit complètement tétanisé! Donc Capitaine : on se trainera, mais tu garderas ton bras.

 

Les couchers de soleil nuageux n'ont parfois rien à envier aux autres.
Les couchers de soleil nuageux n’ont parfois rien à envier aux autres.

 

8 avril 2023 – Transpacifique, jour 28

2h30 – Les grains succèdent aux grains dans la nuit. Celle-ci n’est pas noire mais grise, laiteuse. La lune, qui doit être encore ronde, éclaire du dessus d’épais nuages qui filtrent sa lumière blanche. Un fantôme sortirait de tout cela que je n’en serais pas étonnée.

Mon capitaine dort. Nous faisons un cap trop Sud, mais le vent tournant qui accompagne les grains ne nous laisse pas le choix. Avançons dans la mauvaise direction donc, mais pas trop vite : maigre consolation. Il faudra bientôt faire du Nord-Ouest pour rattraper tout ça. La trajectoire d’un voilier sur un mois de traversée est celle d’un ivrogne sur la voie publique.

Notre quatrième semaine de navigation va bientôt toucher à sa fin. Nous commençons à nous projeter sur une date d’arrivée en fin de semaine prochaine. Pourtant, les grains et le vent feront de nous ce qu’ils veulent. Ne pas avancer alors qu’on est si près du but, mal dormir alors qu’on sait manquer déjà de sommeil… arghhhhh!

9h30 – Je me lève avec 20 nœuds de vent. Il fait gris, mais on avance bien. Est-ce systématiquement le prix à payer : la grisaille ?

Avons basculé notre pilote automatique en mode régulateur d’allure : nous ne lui donnons plus un cap fixe à suivre, mais un angle à maintenir par rapport au vent. Toujours un peu trop de Sud, ce matin. Mais si le vent bascule dans la journée, Jade obliquera d’elle-même vers l’Ouest, la bonne direction.

20 heures – Le vent n’a pas basculé. Pour compenser le trop-Sud que nous suivons depuis 24 heures, avons empanné au coucher du soleil, cap 300. Faisons donc trop de Nord, et cette fois, à bonne vitesse.

 

 

Dans le sillage de Jade, ce soir, des étoiles. Je réalise d’un coup que cela fait longtemps, plusieurs nuits, que je ne les voyais plus. Leur absence était presque passée inaperçue, tant nous étions accaparés par la gestion des grains et des vents changeants. Absence inaperçue, mais réapparition ô combien éclatante ! Pour le moment, elles se contentent de briller derrière nous – pas encore devant, ni au-dessus. Mon premier quart démarre et j’ai tourné mon siège dos à la marche pour les voir. Tant pis. Il faut croire que ces loupiotes dans le noir m’avaient manqué, plus que ce que j’aurais cru. Avec elles sous les yeux, je respire plus large.

20h30 – Une grosse vague vient de taper sur notre tribord. La petite porte de côté était mal fermée, l’eau est entrée. J’étais pile au bon endroit, devant les écrans du poste de pilotage intérieur. L’eau m’a éclaboussée d’un coup. J’ai poussé un cri. Dans sa couchette, le capitaine n’a pas bronché. Il m’a dit, plus tôt dans la journée, qu’il se sentait fatigué. J’en ai maintenant la preuve. Et j’en suis quitte pour un bon coup de serpillère.

22 heures – Lever d’une lune dorée sur notre arrière tribord. Épatée, d’une lumière diffuse, elle ne ressemble en rien à ce qu’elle était il y a trois jours, ronde, blanche, rayonnante. D’une nuit à l’autre, son image filtrée par l’air qui la sépare de mon regard, elle n’est jamais la même. Pourtant, elle est la même.

 

9 avril 2023 – Transpacifique, jour 29

13 heures – Marre de tirer des bords sous code. Venons de prendre la décision de tangonner le génois. Notre vitesse ne sera pas meilleure, mais au moins, nous irons dans la bonne direction. À peine l’installation terminée, le vent retombe sous les 10 nœuds.

18 heures – Ce que nous avons perdu en vitesse aujourd’hui, nous l’avons gagné en soleil et en confort. Juste assez pour pouvoir se fêter nos quatre semaines en mer avec des crêpes ! Petits plaisirs. Si grands.

 

 

10 avril 2023 – Transpacifique, jour 30

9h45 – Un mois tout rond que nous sommes en mer. UN MOIS ! J’ai du mal à réaliser. Tant de choses peuvent se produire, sur terre, en un mois. Cela me semble énorme et en même temps, lorsque je repense à notre marlin du troisième jour, à nos fous bruns venus se reposer sur les filières avant, cela me semble un autre voyage.

Ce matin, après nous être trainés toute la nuit, nous avançons à 5 nœuds sous génois tangonné. Le ciel azur est parsemé de cumulus de beau temps, la mer est d’un bleu profond, la houle, pas trop forte. Manquerait plus qu’on pèche un truc.

11 heures – Est-ce parce que j’ai particulièrement bien dormi la nuit dernière ? J’entends mon corps qui me parle. Il me dit, et très distinctement : je suis cassé. Tous ces petits gestes du quotidien à faire sur un sol mouvant : bloquer le frigo avec le genou quand on l’ouvre, arquer les jambes dès que l’on se déplace de la cuisine au cockpit, se plier en deux pour ranger une casserole dans le placard du bas et, dans une vague, lutter pour se relever… Mal au dos, surtout. Petite promesse à moi-même : dès notre arrivée à Hiva Oa, je m’enquiers d’une masseuse.

20 heures – Christophe vient d’aller se coucher. Juste avant, face aux étoiles et notre tisane à la main, nous nous sommes pris à rêver à notre arrivée, dans cinq nuits environ. À la redécouverte, lorsque les îles se dessineront sous nos yeux, de la couleur verte.

 

11 avril 2023 – Transpacifique, jour 31

4h50 – Pour la première fois depuis le départ, c’est moi qui suis en charge de faire le point GPS quotidien. Au départ de Panama, nous le faisions à 8 heures du matin, heure où nous avons relevé l’ancre de la vase de Playita le 12 mars dernier, soit 13 heures GMT. En ayant décalé nos montres de 10 minutes environ chaque jour, 8 heures au Panama correspondent, 3500 milles plus à l’Ouest, à 5 heures du matin.

Je prends mon rôle très au sérieux : relevé précis de notre position, du nombre de milles parcourus au total, calcul du nombre de milles parcourus ces dernières 24 heures, marquage de notre position sur la carte. Pour une fois, ça n’est pas dans mon petit carnet rouge que j’écris, mais sur le livre de bord. Attention. Suis investie d’une grande mission. Je prends ma plus belle écriture et souligne la date à la règle.

6h20 – Impossible de dormir. Pourquoi ? Je n’ai que trois heures de sommeil au compteur pour cette nuit. Bon. J’en profite pour petit-déjeuner avec le capitaine et prendre mes premières photos de lever de soleil.

 

 

17 heures – Dormi trois heures cet après-midi. Je crois que mon sommeil est complètement dérèglé : il n’y a plus ni jour ni nuit. Il y a la fatigue.

20 heures – Encore une journée tranquille et ensoleillée, à 4,5 nœuds sous génois tangonné. Rien à faire : compter les milles, lires, dormir, manger, répondre à la famille et aux copains. Alex et Jean-Phi, nos amis du catamaran Yapluka arrivés à Hiva Oa il y a quinze jours, nous proposent de les accompagner à un spectacle de danse marquisienne la semaine prochaine. « Il faut réserver à l’avance, ils ont une date le 18 avril, on booke pour vous ? ». Euh…

J’ai comme une petite appréhension à retrouver la vie normale. Les gens. Les activités diverses. Christophe me dit que lui, pas du tout. Nous commençons à pouvoir compter nos dernières nuits en mer sur les doigts d’une main, et ça me fait bizarre. La « vie normale » n’est pas de devoir se réveiller toutes les trois heures ? Ah bon.

 

12 avril 2023 – Transpacifique, jour 32

9h30 – Réveillée, depuis la cabine avant où je dormais, par le bruit du génois qui claque et du tangon qui tape. Je prends le temps de m’étirer, de me frotter les yeux. Cinq minutes après, la petite tête de mon capitaine apparaît à la porte : « mon Petit Bouchon, il n’y a plus de vent, il va falloir… ». « Je sais, j’arrive ».

8 nœuds de vent ce matin. Ciel chargé. Pour la première fois depuis trois semaines, on rallume le moteur.

10h30 – Un oiseau fait des ronds au-dessus du mât. Le premier depuis… longtemps.

 

L'un de nos derniers couchers de soleil de transpac!
L’un de nos derniers couchers de soleil de transpac!

 

13 avril 2023 – Transpacifique, jour 33

3 heures – Ambiance fantomatique dans la pétole, cette nuit : le ciel est couvert d’une mince couche de nuages, suffisante pour voiler l’éclat de la lune et cacher les étoiles. De la surface de l’eau qui se transforme, d’heure en heure, en tapis de soie, une brume s’est levée. L’anémomètre affiche 2,5 nœuds de vent.

Je multiplie les calculs pour tâcher de me convaincre que ça y est, on arrive dans deux jours. Je croise les doigts pour une arrivée à la lumière du jour – par commodité lorsqu’on aborde un mouillage inconnu, et puis… ce doit être si beau !

9h30 – Réveillée par Christophe qui m’annonce qu’un poisson a mordu ! Nous remontons à bord un beau thon qui nous fera bien sept ou huit repas. À moins qu’on le partage avec les copains à l’arrivée. Ah, l’arrivée…

Je sacrifie la dernière pomme du bord, que je gardais au frigo précisément pour une occasion de ce genre, pour nous concocter un petit tartare sucré-salé. Réfléchir aux recettes pour agrémenter ce thon providentiel, le cuisiner, le déguster, va nous aider à prendre notre mal en patience d’ici à l’arrivée. Il est vraiment bien tombé, celui-là. Ce matin, il nous reste 250 milles à parcourir.

 

 

14 avril 2023 – Transpacifique, jour 34

14h30 – Toujours pétole. Sommes au moteur. Saveur particulière de cette journée qui, en toute logique, devrait être la dernière.

Viens de finir mon livre. Pendant ce mois en mer, nous aurons beaucoup lu. Pas regardé de films : consommateur d’électricité. Avions bien approvisionné nos liseuses avant le départ, et je me suis félicitée tous les jours d’avoir passé un peu de temps à choisir mes lectures de transpac. De bons livres, inscrits sur ma liste depuis trop longtemps, mais plutôt faciles à lire – en navigation, je sais maintenant que mon cerveau ne parvient à suivre que les intrigues qui s’écoulent sans efforts. Plutôt des romans : le Comte de Monte-Cristo, Martin Eden, Les Cavaliers, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur… et j’en passe quelques-uns. Cette cure intensive de grands classiques de la littérature, je l’avoue, fut un vrai bonheur.

18 heures – Un grand groupe de dauphins gris vient de passer nous saluer dans le soleil couchant. Ce sont les premiers que nous voyons depuis notre départ de Panama, le 12 mars. Et comme alors, certains d’entre eux nous ont gratifiés de bonds extraordinaires au-dessus de l’eau. Moitessier a écrit que selon lui, des dauphins l’avaient sauvé du naufrage en le guidant loin des rochers. À notre petite échelle, nous ne pouvons nous empêcher de penser que le jour 1, il nous ont dit aurevoir, et qu’en ce jour 34, veille de notre arrivée, ils nous souhaitent la bienvenue.

23 heures – Pour la dernière fois avant longtemps, je mets mon réveil à deux heures du matin. En 35 jours de navigation il aura sonné deux ou trois fois, au début, puis le corps se sera habitué. Mais je l’ai toujours mis, par précaution. Qu’elle sera belle, cette première nuit d’après le voyage où nous pourrons dormir nos huit heures d’une traite ! Qu’il sera beau, ce moment où je me réveillerai à 2 heures du matin et où le cerveau dira au corps : « rendors-toi mon gars, tu es arrivé, bon boulot, tu l’as bien mérité » !

 

15 avril 2023 – Transpacifique, jour 35

4h40 – PHARE EN VUE !!!

5h45 – Ah non, ça n’était pas un phare. On n’en voyait aucun d’indiqué sur la carte, aussi… Au lever du jour, réalisons qu’il s’agit d’un voilier au loin dont la houle, par intermittence, cachait la lumière. Et derrière lui… derrière lui, semble-t-il, une île. J’ai tenté d’aller me coucher à cinq heures, impossible de dormir.

 

Rectification: Estelle ne PEUT PAS aller se coucher!
Rectification: Estelle ne PEUT PAS aller se coucher!

 

7h30 – J’ai un peu craqué. Depuis le roof avec notre tasse de thé, les yeux braqués sur ces falaises bleues grandissant dans le soleil tout là-bas, les larmes me sont venues. Tant d’efforts. Tant de jours. Ce matin, récompensés par la Beauté.

8 heures – Conscience aigue d’être à l’orée d’un autre monde, dont je ne connais encore rien. La Polynésie… Ces masses rocheuses qui émergent, d’un ocre rose qui se révèle peu à peu dans les rayons du soleil, ces îles devant nous ne sont encore que de gros cailloux vides, dont nous ne faisons que deviner les pics et les vallées, dont nous ne connaissons pas encore les habitants, leurs visages, leurs coutumes. Un fou brun vient de passer au-dessus de l’étrave et me rappelle, seul, qu’il y a bien une continuité dans ce voyage, entre les semaines de mer derrière nous et ce nouveau pays, devant.

8h30 – Installée à l’avant sur le pont, sur mon siège pliant. Quitter ces îles des yeux, je ne peux pas.

11h30 – Passons la pointe Est d’Hiva Oa. Les fonds sont remontés de 2000 à 80 mètres en quelques minutes. Du brun en falaises, du vert tendre en petites touffes entre les rochers, du vert plus profond qui s’élance en cimes pointues tout là-haut… J’avais oublié.

13 heures – Surpris par cette végétation qui, de loin du moins, nous rappelle les prairies de nos montagnes européennes. On voit même des sapins. Ils sont où, les cocotiers ?

14 heures – 3999 milles parcourus en 34 jours et 6 heures. Venons d’obliquer pour entrer dans l’étroite baie de Tahauku.  Les copains, à la VHF, nous ont demandé de ralentir. Un point orange se met en branle à la surface de l’eau, au fond de la baie. Ils viennent vers nous.

 

 

21h15 – Plus d’un mois que nous ne nous sommes pas couchés aussi tard. À cette heure Christophe devrait dormir, et moi, j’en serais presque à la moitié de mon premier quart.

Avons eu droit à un accueil de rois : déjeuner à bord de Yapluka avec Alex, Jean-Phi, et l’équipage de Domino arrivé il y a deux jours, dîner ce soir avec la même équipe gagnante au food-truck du coin d’un poisson cru au lait de coco, grande spécialité locale. Le rire des dames qui nous ont servis, leur douceur, leur bienveillance, leur accent, leur sourire si grand, leur fleur à l’oreille, leurs yeux si gais, tout cela m’a instantanément fait fondre sur ma chaise en plastique… Que de promesses pour les mois à venir !

18 Comments

  1. Magnifique récit d’une exceptionnelle aventure ???
    Merci de la partager avec nous.
    Très belle narration.
    Au plaisir de lire les prochaines suites ?

  2. Superbe récit.. Avec Patty.. Contents de vous savoir bien arrivé.. Good rest and fun.. Patty et Hugo

  3. Quelle belle aventure vous vivez,merci de la partager la mer a un côté fantastique et inquiétant….mais tellement fascinant.

    Cordialement
    Un voileu des côtes d’armor.

  4. Bienvenue au fenua, dans ce pays que nous aimons tant.
    Merci pour ce récit, Estelle. Que d’émotions à le lire. De vraies montagnes russes émotionnelles. On mesure la difficulté d’une telle aventure.
    On vous admire.
    Et on se réjouit de vous savoir enfin arrivés dans ces belles îles marquisiennes
    Bravo.
    Isabelle et Patrick

  5. Whaou !! merci pour ce récit, je l’ai dévoré en une fois… J’ai traversé avec vous, ressenti ce dont tu parlais !!! Gros bisous à vous

  6. Le texte complété et précise la vidéo. On se rend mieux compte de chaque instant, de ces houles où il est difficile de faire un mouvement, de ce saladier cassé le temps d’une vague, de ces bip bip stressants d’un pilote capricieux, de cette fatigue lourde, présente à chaque instant, du courage de ces 2 marins épuisés…merci merci pour ce partage.

  7. J’ai pas de mot, juste BRAVO de l’avoir fait et de nous le faire vivre si bien !!!
    Vivement les prochains récits
    Grosses bises

  8. c’est un régal de naviguer avec vous deux,
    avec l’avantage de zapper les quarts
    bravo à Jade

  9. C’est en rentrant du SNU, service national universel qui s’est déroulé à La Bréole, proche du barrage de Serre Ponçon dans le 04 que je reprends lecture de vos récits . Toujours un plaisir de lire ces écrits et ces anecdotes de voyages, , car, rien qu’à la lecture on ressent certaines émotions que vous vivaient , il ne manque que le bruit des vagues et l’odeur iodée quelle expérience!!! merci et profitez de chaque instant
    amitié Bernard

  10. Merci pour ce récit tellement vrai de transpac!
    Une pensée émue m’envahit pour le capitaine… Qui a dû se sentir bien seul au monde malgré la présence aimante de son Estelle, quand les distribils techniques arrivaient les uns derrière les autres en escadrille.
    Etre forcé, par exemple, de s’imaginer barrer H24 pendant un mois à deux…Rien que çà, ça vous fout le mental à terre, même si, à la fin, c’est une bonne surprise car « ça ne bipe plus »… Le cerveau jamais en mode « repos », voire même « semi-repos », c’est tuant! Perdre la confiance en son matos, atroce sensation !
    J’ai de mon coté, il y a bien longtemps, effectué les 5 derniers jours d’une transat dans mon ciré avec des furoncles sur le derrière , et donc assis sur une bouée fer à cheval, à tenter de guider mon voilier (après une rupture de drosse de la barre à roue) à la barre franche de secours, au pied car mes bras n’avaient pas la force de repousser ce put…de bout d’inox après chaque vague. Mes équipiers me faisaient confiance mais je sentais que le moral de tout l’équipage déclinait. Il était temps d’arriver de l’autre coté!
    Merci pour ce récit qui dit la vérité! Une traversée, c’est pas pour rire!
    Et bravo, bien sûr!

  11. Je vous lis au retour d’un périple de plantations d’arbres sur notre beau sol Tanzanien.
    Bravo pour cette traversée et merci de nous la faire partager avec autant de ressentis .
    On pense a vous , profitez bien de tout .

  12. Je me joins à l’ensemble des commentaires…unanimes quant à la belle façon que vous avez de partager ces instants de votre vie à bord. 35 jours sans voir la terre (débraillé, mal rasé…comme dirait Axel B.), c’est forcément un repli sur soi, sur ses limites que l’on repousse, ce qu’on n’imaginait même pas, un bonne dose de résilience. On se découvre, à nu et on se surprend quant à notre capacité à nous « libérer » du monde des terriens qui vivent à 100 à l’heure (et non pas à 5/6 noeuds); pour un laps de temps du moins (même si quelques méls viennent rappeler qu’on n’est pas uniquement entourés de poissons – bon à manger – et autres dauphins ou globicéphales qui redonnent de la pêche, tant le spectacle est beau et inlassable).
    Je me réjouis de voir que les spécialités régionales (je suis démasqué : breton suis) viennent estomper la fatigue, l’énervement (pilote, hydraulique, groupe, virements sous code 0 ou génois pour tâcher d’optimiser sa trajectoire,…) alors qu’on ne croyait plus en sa bonne étoile !
    Bref, une très très belle aventure que vous nous faites partager avec passion et de la plus belle des manières à travers vos vidéos et ce blog très joliment écrit (prémisse d’un livre ? je le réserve d’avance et mon épouse se fera un plaisir de le mettre en avant chez « Gwalarn », grande librairie d Lannion où elle travaille).
    Je continue à naviguer avec vous, du moins par la pensée et bravo à tous les 2 !

    PS : la cuisine à bord d’un bateau est le nerf de la guerre…bien manger, avec plaisir, avec délice c’est tout aussi indispensable qu’une voile ou un cap bien réglé…Je le pense fortement ! Alors, pas de modestie 🙂

  13. Avec tous mes remerciements pour ce témoignage et ces photos d’immensité.
    Bon repos à vous !

  14. Bravo au petit bouchon et son beau capitaine qui argumente si bien la volonté et la persévérance et accueillir la beauté des Marquises . De l Aragon ou nous flânons nous découvrons ce soir votre récit la plume d’Estelle et les photos rieuses de Christophe dans la petole ou dans la mécanique . Estelle tes plats sont une invitation . Nous vous embrassons . Claire et Philippe

  15. Savoir se donner les moyens ,Psychologique, physique et financier d’accomplir ses rêves ,voila un accomplissement humain en dehors de l’ordinaire . Etre toujours deux après cinq semaines de mer signifie beaucoup de maturité personnel pour chacun des deux. Bravo la vie . Merci beaucoup pour ce partage , car en fin de compte que serions seul. J.P Québec.

  16. Un grand bravo à nos valeureux marins pour cette belle… et longue traversée. Encore merci de nous faire partager, au travers de vos mots et images, tous ces moments chargés de tendresse et d’émotion. Dans l’attente de lire la suite de vos aventures, on vous embrasse et on vous souhaite un heureux séjour aux Marquises.
    André et Magali

  17. J’ai adoré lire le ressenti après avoir vu les films de la traversée.
    J’étais plongée dans l’ambiance, le stress et la fatigue décrite tout au long de cette traversée.
    Je l’ai faite aussi il y a 2 ans mais c’était doux et facile, rien a voir avec vous.
    J’imagine que la gentillesse des autochtones vient quelquepart nous récompenser de notre traverser.
    Rien que le fait de te lire, les larmes me montent aux yeux.
    Bravo pour cette traversée à 2, chapeau bas.
    Longue vie à Jade, porteuse de rêves.

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