En Andalousie, on a de la visite!

Pluie de réservations sur « Last Minute on Jade ». Les copains dégottent un vol direct Lyon-Faro et la petite famille débarque à Séville. Changement de rythme radical pour nous, qui découvrons la vie à bord… avec invités!

 

31 juillet 2021 – Mouillage de Culatra

16h – Céline et Philippe viennent d’arriver! Nos premiers invités du voyage. Pas rien.

Céline, c’est ma copine du collège. Elle m’a écrit avant-hier: « Philippe a eu ses papiers au final, on peut venir? » Ils sont partis de Lyon ce matin à 10h, à 15h la navette les déposait sur l’île de Culatra. Alors que j’écris ces lignes, ils font quelques brasses autour du bateau.

22h50 – Ce soir, dégusté à quatre une marmite de caldeirada dans un restaurant de Culatra. Ambiance familiale: la mère aux fourneaux, le père à la découpe du poisson, la fille au service en salle. Sur le ponton où nous avons laissé notre annexe, avons croisé une célébrité du petit monde de la voile sur le net: Tabasco Pierro, dont nous suivons la chaîne Youtube depuis le premier confinement. L’impression de croiser un copain.

 

Nos premiers invités à bord de Jade!

2 août 2021, 7h30 – Le long de l’île de Culatra

Départ de la lagune de Faro au petit matin. Dans quelques heures, nous retrouverons l’Espagne. Céline et Philippe dorment encore dans la cabine avant. Cabanes de pêcheurs à contre-jour du soleil levant. Dizaines de petits bateaux devant, dans le courant. Tout un petit monde protégé de l’océan par son banc de sable, son île. Nous passons le phare à bonnet rouge de Farol, bientôt les bouées verte et rouge de sortie de la passe.  J’aimerais revenir.

L’escale dans la lagune de Faro fut courte, car nous devons rejoindre ma famille à Séville le 6 août. Pourtant ici, nous avons aimé. Un tourisme familial, presque exclusivement portugais. Beaucoup moins jet-set que Portimao. Sur les marches de l’église de Culatra, de vieux messieurs restent une bonne partie de la journée à discuter à l’ombre. Dans les rues de Faro, les restaurants affichent des soirées fado deux fois par semaine. À Olhao, de l’autre côté de la lagune, un chauffeur de taxi nous explique dans un français impeccable la rivalité séculaire entre sa ville et la Faro voisine: jusqu’à récemment, un gars de Faro ne pouvait espérer épouser une fille d’Olhao sans se faire étriper. Roméo et Juliette, sauce portugaise.

 

 

3 août, 20h15 – Marina de Mazagon

Retour aux sources pour Christophe. C’est à Mazagon qu’il y a 15 ans, sur un voilier en acier déjà prêt à appareiller pour l’Antarctique, il a reçu le coup de fil qui l’a finalement envoyé travailler en Tanzanie. L’idée était d’y rester six mois pour pouvoir acheter un propulseur d’étrave, il y est resté 12 ans. Mais l’Antarctique n’a pas quitté sa tête.

Mazagon est moche. Mais Céline et Philippe, en vacanciers avisés, on étudié le guide. Nous prenons un taxi pour le monastère de La Rabida, une quinzaine de kilomètres plus au nord. C’est d’ici que Christophe Colomb appareilla pour les Amériques le 3 août 1492 à bord de la caravelle Santa-Maria, escortée de la Pinta et de la Niña. C’est ici que le navigateur alors inconnu au bataillon mit au point son expédition et obtint les soutiens politiques nécessaires à son entreprise. J’apprends au passage qu’il est mort sans savoir qu’il avait découvert un nouveau continent. La poisse.

Sur le pont de la Santa-Maria reconstituée, j’imagine. Sur ce bateau de 25 mètres, 40 hommes. Ne sachant pas où ils vont. S’ils vont revenir. De l’aventure, la vraie.

 

 

4 août, 19h – Baie de Cadix

Cadix en vue! L’une des plus belles navigations depuis le début du voyage: 15 à 20 nœuds de vent quasiment constants pendant huit heures, soleil, très peu de houle. Tous les voyants au vert… et des invités à bord qui ne peuvent pas s’en rendre compte! Céline a un peu navigué dans son enfance, mais « purement en tant que passagère », me dit-elle. Pour Philippe, c’est une première. De mon côté, je découvre une nouvelle forme de stress: vont-ils être malades? Vont-ils s’ennuyer? Vont-ils… apprécier? Christophe, lui, est parfait dans son rôle de capitaine-à-la-cool.

Vivre sa navigation, son instant présent. On en discutera plus tard.

 

 

5 août, 13h – Marina de Cadix

J’ai demandé tout à l’heure à nos invités de me résumer leurs impressions de navigation. Leur premier mot : « fatigue ». La tête dans le pâté pendant des heures alors qu’on ne fait rien. L’estomac qui lutte en permanence. Distorsion du temps: les heures s’allongent et pourtant, lorsqu’on regarde sa montre, il est déjà cinq heures.

Quelque part, cela me rassure. Lorsque je m’écroule sur la banquette du carré après une navigation un peu longue ou des manœuvres d’arrivée un peu stressantes… ça doit être normal.

 

7 août, 1h du matin – Séville, hôtel  Las Casas de la Juderia

Hier matin, avons rejoint mon père et mes sœurs près de la cathédrale de Séville. Émue. Eux n’ont mis que quelques heures pour atterrir là, avenue de la Constitution. Nous, deux mois et demi. Une foultitude de choses se sont déroulées depuis que je les ai embrassés sur le ponton du bassin des Chalutiers, à La Rochelle. L’impression, déjà, de ne plus être tout à fait la même… Au bout de quatre ans et deux traversées d’océans, ça donnera quoi?

 

Spectacle de flamenco à la Carbonera, dans le quartier de Santa Cruz. Le danseur, avec ses chaussures à talons, est la percussion du groupe. Il mime, paraît-il, certains gestes du torero. Les trois artistes (chanteur, danseur, guitariste) sont impressionnants de coordination, car l’essentiel de cette musique est improvisé.

 

8 août, 10h05 – Séville, hôtel Las Casas de la Juderia

Hier, couchés à 2 heures du matin. On n’a plus l’habitude. Tapas sur une grande table, sur un trottoir du quartier de Triana, de l’autre côté du Guadalquivir, avec famille et amis. Plus tôt, avions visité l’Alcazar de Séville, magnifique palais mudéjar. Comme un vaisseau spatial venu d’Afrique du Nord. Dans la cathédrale de Séville, avons de nouveau croisé Christophe Colomb, cette fois inhumé dans un mausolée prétentieux. Je le préférais à bord de sa Santa-Maria.

 

 

10 août, 20h – Marina de Cadix

Aujourd’hui, la famille est venue à Cadix, à bord de Jade. Déjeuner dans le cockpit, plouf collectif dans la marina. Heureuse de constater qu’en quelques heures, ils ont pris possession des lieux. Seule la pompe des WC leur pose encore un peu problème… et la peur du mal de mer. Oseront-ils un jour nous accompagner en navigation? Seront-ils aussi à l’aise à bord d’une Jade… sans amarres?

 

 

13 août, 16h – Marina de Cadix

Journée bricolage-courses-lessives à bord de Jade. Christophe a refixé un taquet en bas du mât. J’apprends du même coup ce qu’est un rivet-pop (qui fait « pop », donc), et m’extasie devant la créativité lexicale des bricoleurs. Celui qui a inventé ce nom-là était un poète.

Dans 10 minutes, le capitaine monte en haut du mât fixer la girouette que nous avons achetée à La Rochelle avant le départ. Enfin trouvé la motivation, le bon moment, le bon endroit. Depuis une demi-heure, mon cœur s’accélère: avoir à assurer mon homme perché à 20 mètres au-dessus du sol m’enchante moyennement.

 

Bilan de l’opération: girouette installée, gréement vérifié et… capitaine en un seul morceau!

 

Étrange, après 10 jours de visites, de se retrouver seuls. Hier soir encore, nous étions à Conil de la Frontera pour fêter l’anniversaire de ma grande sœur. Toujours dur de dire aurevoir. Aujourd’hui, chacun est retourné à sa « vie normale ». La nôtre est celle d’un quasi-tour de la planète à la voile, avec Jade.

Oui, je sais. Dans le genre normal, on fait mieux.

 

Les bancs au soleil couchant sont importants dans notre histoire… Clin d’œil à ceux qui savent.

2 Comments

  1. Merci Tellou pour ce tres bel article, un très beau souvenir et un tout petit mini morceau de voyage avec vous ! Aaah c’etait donc cela que tu concoctait/tapais très sérieusement pendant que je parcourais le routard !! 😀 Plein de biiises et bon vent 😉 Tu assures p’tit mouss’ ^^ !

  2. Merci Djonkille! Ce fut un réel plaisir de vous avoir à bord. On remet ça quand vous voulez, ailleurs sur la planète! Bises.

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