De Porto à Lisbonne, on avance vite sans le faire exprès

Passé la Galice, peu de mouillages pour s’abriter. Après une petite semaine à Porto, nous enchainons les navigations de huit-dix heures, poussés par les alizés portugais. L’occasion pour moi de découvrir pour la première fois les plaisirs d’une houle… un peu plus forte. 

 

26 juin 2021, 22h – Marina de Baiona

Le nom de cette marina dit tout: Monte Real Club de Yates. Chère, un peu jet set. En traversant (par erreur) la terrasse du restaurant, un panonceau « tenue correcte exigée » nous fait baisser les yeux sur nos chaussures bateau. Mais Jade est aux pieds de la citadelle.

Demain, départ pour Porto. Nous naviguerons de nuit. Une sacrée étape: un mois que nous sommes partis, changement de pays.

 

Cette nuit, nous passons de l’Espagne au Portugal.

 

28 juin 2021, midi – Marina de Porto

Arrivés ce matin à l’aube à Porto après 16 heures de navigation. En arrivant dans l’embouchure de Douro, le jour n’était pas encore levé. Une dizaine de minuscules bateaux de pêche nous a tenu lieu de comité d’accueil. Sans feux, leur présence n’était visible que par l’ombre fragile de leur coque sur fond de nuit et le bout scintillant de leurs lignes de pêche – loupiotes bleues, vertes ou mauves à la surface de l’eau. Au moment où ils lançaient leur ligne, les taches de couleur volaient quelques instants dans les airs, transformant les pêcheurs en magiciens dompteurs de lucioles.

 

29 juin 2021, 21h30 – Marina de Porto

Ce matin à 9 heures, alors que nous ajustions nos sacs à dos pour une journée de balade dans Porto, une dizaine de pétards a retenti dans le lointain. Plusieurs fois. En longeant le Douro pour rejoindre le centre (la marina est à 4km de Porto), nous en trouvons l’explication: un artificier fait péter ses fusées à l’entrée de Sao Pedro de Afurada, le village de pêcheurs qui jouxte la marina. C’est que c’est la Saint Pierre, le patron de la ville!

Le soir, tout fourbus de nos 20 kilomètres de marche du jour, nous nous posons à une table de la Taberna do Sao Pedro. Sardines grillées et brochettes de crevettes-calamars avec salade verte, patates à l’eau et petite sauce huile d’olive-citron. La jeune serveuse nous explique que la fête de la Saint Pierre, avec sa procession jusqu’à l’église du village, a été annulée cette année pour cause de Covid. Elle nous dit qu’elle est d’ici. Son père et son frère son pêcheurs. Sa mère lave toujours son linge au lavoir communal.

 

Instantanés de Sao Pedro da Afurada

 

Pendant que nous parlons, une dame passe à côté de notre table en trottinant avec une immense tringle à rideaux sous le bras. De vieilles femmes portant la même robe large et le même tablier que ma grand-mère algérienne discutent par pair au coin des rues. D’immenses culottes et soutiens-gorge sèchent le long des murs. Des chats maigrichons montent la garde sur le pas des portes. La fumée des grillades monte progressivement dans l’air frais du soir et nous imprègne.

 

2 juillet 2021, 17h – Marina de Porto

Nouvelle journée de balade dans Porto. Découvert l’église de Sao Francisco, dont l’intérieur est entièrement recouvert de bois doré. Même si je suis loin d’être fan de style baroque (d’autant plus dans une église qui se réclame de l’ordre des franciscains, adeptes de la sobriété et de la simplicité), je n’ai pu m’empêcher d’être soufflée en entrant. Les dorures sont partout. Acoustique très particulière pour une église: le bois des murs et du parquet  absorbe tous les sons. J’imagine que l’orgue (doré comme il se doit) ne doit pas donner beaucoup de concerts.

 

 

LE moment fort de notre visite de Porto – qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour vous faire profiter de la vue…

 

3 juillet 2021, 20h – Marina de Porto

Moment magique, ce soir. Dégustation de Porto sur la terrasse de la cave Churchill’s, petit havre de verdure perdu au milieu des ruelles en pente et des entrepôts croulants. Le Douro en contrebas, tout brillant dans la lumière de fin de journée, est encore plus beau lorsqu’on est pompette. J’ai remarqué.

 

 

5 juillet 2021, 19h20 – Marina de Figueira da Foz

Arrivés hier à Figueira da Foz après 10 heures et 60 milles de navigation depuis Porto. Pas de vent, tout au moteur. Ciel gris, mer grise, côte plate, mer plate. En arrivant sur Figueira da Foz, nouvel exercice pour moi: le guidage du capitaine, depuis le pont, parmi les casiers des pécheurs.

Aujourd’hui, nous avons pris le train pour Coimbra. Les rails zigzaguaient le long des méandres du Mondego, qui relie les deux villes. Un delta très vert, planté de rizières et petits bois d’eucalyptus. Dizaines de nids de cigognes perchés dans les piliers des lignes haute tension.

À Coimbra l’université, vieille de cinq siècles, est toujours vivante. On y croise plus d’étudiants que de touristes. L’architecture quasi-soviétique des bâtiments ajoutés au XXème siècle côtoie les murs classiques du palais du gouverneur sans en altérer l’élégance. En partant, un étudiant en tenue traditionnelle se fait photographier sur la grande esplanade. Sa longue robe noire flotte au vent. Harry Potter est portugais.

 

 

8 juillet 2021, 20h – Marina de Nazaré

Hier, navigation de 9 heures pour rejoindre Nazaré. Soleil tout du long, vent suffisant pour hisser les voiles, visite des dauphins… a priori parfait. Mais difficile. La responsable, c’est la houle de travers, que je découvre. Jambes flageolantes et esprit embué tout du long. Estomac sur un fil. En arrivant, superbe lumière sur les falaises de Nazaré, dont je n’ai pu profiter que modérément.

Aujourd’hui, balade dans Nazaré. Le site, avec son village de pêcheurs perché sur la falaise, est magnifique. La ville nouvelle le long de la plage, avec ses étroites ruelles qui courent toutes en parallèle vers la mer et ses alignements de petites cabanes de toile sur le sable, a aussi son charme. J’ai enfin compris pourquoi la fameuse vague de Nazaré pouvait atteindre des hauteurs vertigineuses (jusqu’à 30 mètres!): Nazaré est situé au bout d’un canyon sous-marin, qui raccourcit la longueur d’onde des vagues et les pousse vers le haut.

D’ailleurs, ce canyon… ne doit-on pas le longer pendant un bon bout de temps demain, en naviguant vers Peniche ?

 

 

9 juillet 2021, 14h – Mouillage à Peniche

Mon intuition était juste. Ce matin, le long du canyon de Nazaré, j’ai découvert les joies de la navigation avec peu de vent et 2 mètres de houle de travers. Nourri les poissons pour la seconde fois du voyage. Je me demande parfois si je serai assez résistante pour cette vie.

A moins de 10 milles de Peniche, ça s’est arrangé. Sur bâbord, falaises presque noires de la presqu’île. Sur tribord, un phare tout blanc en lévitation entre une mer bleu roi et un ciel laiteux: celui des îles Berlengas, que nous ne ferons qu’apercevoir.

 

Arrivée à Peniche.

 

10 juillet 2021, 4 heures du matin – Mouillage à Peniche

Mal dormi. Roulis toute la nuit. Des dizaines de bateaux de pêche ont fait des allers-retours au port pendant des heures – dès que l’on ouvre la porte du bateau, ça sent le poisson.

Départ prévu au lever du soleil. Direction Cascais, puis Lisbonne. Environ 45 milles à faire, en huit ou neuf heures. À présent, j’appréhende la houle… Chaussures, bonnet, polaire. Magnifique 10 juillet. Aller. On respire un grand coup.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

9 Comments

  1. Super reportage comme d’habitude . On attend désormais toutes les semaines ce formidable cahier d ‘aventures .
    On vous envie ,
    Bisous
    Samah et Regis

  2. Merci Samah et Régis! Toutes les semaines… on va essayer de tenir le rythme, mais c’est le voyage qui prime! On vous embrasse.

  3. Merci Estelle de nous faire vivre à travers ton reportage, vos escapades portugaises, la description imagée des différents lieux, nous rappel des bons souvenirs de ce pays que nous connaissons bien,
    À bientôt pour le reportage sur Lisbonne,
    Bon dia à Christophe
    Claire et Philippe
    Les Biarrots d’Azur

  4. Bonjour a vous 2
    Je lis que le voyage se déroule comme vos attentes
    Estelle, ne n’ inquiète pas, on s’habitue a donne a manger aux poissons .. et a la fin cela s’estompe .. et fin .. un .. par s’arreter

    Nous suivons avec Patty votre voyage

    Merlin .. N’oublie pas .. les vieilles consigne s.. Toujours mef

  5. Le porto, peut être un bon remède contre le mal de mer ?…. qui heureusement finit toujours par s’estomper puis passer. Merci pour ton récit et vos photos…bref pour votre partage (sauf pour le porto..) Bises maritimes JF

  6. Merci Jean-Francois. On espère que tout se passe bien pour toi et que les projets avancent. Bises.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.