Pierre, la star cachée au fond du hangar
Pierre Follenfant, vous connaissez ? Il est l’un des coureurs du 1er Vendée Globe, en 1989. Avant de quitter la Ville Blanche, on voulait vous présenter ce rochelais singulier… et le petit bijou de bateau qu’il a bientôt fini de restaurer, dans un coin du chantier Hervé.
C’était il y a un peu plus d’un an. Le premier confinement venait de prendre fin. Jade était les pieds au sec au chantier Hervé (voir ici) et nous venions de la rejoindre, toute pimpante car bichonnée pendant six mois par Alain Balzeau et son fils Bérenger, les deux maitres des lieux. On discutait aménagements-équipements-tout ça et un type en bas, tête grisonnante émergeant d’un gros pull à col roulé, faisait des allers-retours au pied des échafaudages. Au début, on n’a pas fait attention. Il passait et repassait, un coup avec une ponceuse dans les mains, l’autre coup avec un bout de bois. Une fois même, avec un safran sous le bras. Christophe me dit : « ce type me dit quelque chose ».
Le lendemain, le type est toujours là. Il fait toujours ses allers-retours. Comme à son habitude, le capitaine de Jade trouve un prétexte plus ou moins vaseux pour aborder l’inconnu :
– « Et vous, vous mettriez une porte étanche à votre voilier, pour aller en Antarctique ?
– Ah bin oui. La question ne se pose même pas. »
Nous venions de faire la connaissance de Pierre Follenfant. Le genre d’aventurier auquel effectivement, on ne la fait pas.
La folie du premier Vendée Globe
Aventurier, il faut l’être un peu dans l’âme pour s’inscrire au départ du Vendée Globe, la course autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance considérée encore aujourd’hui comme la plus difficile. Si les skippers la surnomment « l’Everest des mers », c’est qu’il doit y avoir une raison. Mais le 26 novembre 1989, ceux qui étaient de la partie s’élançaient littéralement vers l’inconnu. C’était la première édition de la course. En clair : ils n’avaient pas vraiment idée de s’ils en reviendraient vivants.
Pierre Follenfant était l’un d’eux. Né à Angers dans une famille de voileux, il a toujours baigné dedans. En 1989, il a 38 ans. Il participe à des courses de prestige depuis une dizaine d’années : solitaire du Figaro en 1979, courses en multicoque, Transat en double en 1983 (qu’il remporte) avec Jean-François Fountaine (l’actuel maire de La Rochelle)… Mais c’est une autre paire de manches qui l’attend avec le Vendée Globe. Sur 13 concurrents présents sur la ligne de départ, seuls sept franchiront la ligne d’arrivée. Pour la première fois, un sauvetage rocambolesque, celui de Philippe Poupon par Loïc Peyron, est filmé de bout en bout à l’orée des Quarantièmes Rugissants, en plein Pacifique Sud (à voir ici). Pierre Follenfant arrive 5ème après 114 jours passés en mer.
Le DC 20 et son fan-club
Mais il n’en fait pas tout un plat, Pierre, de cette course. On le voit peu dans les médias. En fait, quand on commence à le connaître un peu… il ne fait pas un plat de grand-chose. Ses grands yeux gris parlent plus que lui. Toujours détendu, voire détaché. C’est peut-être ça, l’effet Vendée Globe : quand on a vécu ce genre d’expérience, le stress doit rarement faire encore partie de notre vie.
Aujourd’hui, pour le rencontrer, il faut pousser trois portes en alu, soulever une bâche en plastique et se rendre au bout du bout du hangar arrière du chantier Hervé, à La Rochelle. Arrivé là, il faut encore contourner la 2 CV vert turquoise de Bérenger qui sommeille depuis des mois au milieu de la pièce. Et là enfin, avec un peu de chance, pendant quelques heures et 3 jours par semaine, on aperçoit Pierre, les cheveux en pétard, un pinceau à la main, qui se consacre à son projet du moment : la restauration d’un DC 20.
Je l’avoue et ne m’en suis jamais cachée : le monde de la voile, je le découvre. Un DC 20, on me dit ça sur le ton de l’évidence mais je ne visualise pas. Sur le moment je hoche la tête et une fois rentrée, comme tout un chacun, je cherche.
Et je découvre tout un gang d’aficionados. Le DC 20, modèle de dériveur de 6,70 mètres datant des années 1960, a son fan-club. Il est petit, il a de belles lignes. Il permet apparemment à ses heureux propriétaires de mêler agréablement balades à la journée et petites régates entre amateurs. Amateurs nécessairement amoureux de vieux gréements. Et bien souvent, aussi, du Golfe du Morbihan.
Extrait de Voiles et Voiliers n°601, mars 2021
Un bateau « pas politiquement correct »
Il y a six ans, Pierre reçoit un coup de fil d’un ami d’Angers: « j’ai une épave de bateau abandonnée dans mon champ, ça t’intéresse ? ». Il avait déjà construit un 35 pieds à la fin des années 1970. « Mais sans Alain pour m’aider, franchement, je ne me serais pas lancé. Il m’a proposé de faire venir le bateau dans son chantier à La Rochelle, de me conseiller, de me laisser utiliser les machines… Tu sais, ici, c’est un peu chez moi ».
Pierre me fait faire le tour du bateau. Beaucoup de blanc, un peu de gris, une touche de chêne clair. « Le bateau a été retravaillé entièrement », m’explique Pierre. « On a tout restratifié. Et j’ai beaucoup, beaucoup poncé ». Le pont a été complètement refait, de même que le roof. Le safran, aujourd’hui en carbone, a été remplacé. La barre, qui était en bois massif, est également toute neuve.
Mais c’est l’intérieur qui n’est pas vraiment « politiquement correct », selon Pierre, pour les amateurs. Tous les compartiments ont été retirés pour ne laisser qu’un seul grand espace. Les nouvelles varangues sont en carbone. « Ça fait un bateau très léger, commente Pierre, une tonne maximum je pense ». Seule concession à la tradition (et encore, Pierre hésite) : les winchs en laiton qu’il est sur le point de réinstaller sur le pont, qui sont d’origine. Et pour le coup, qui pèsent leur poids.
Après six ans de travaux, le bateau, baptisé Doris II, devrait être mis à l’eau cet été. Pour quel usage ? « Boah… pour aller faire des pique-niques! Rejoindre les copains dans le Golfe du Morbihan et s’amuser un peu! Tu sais, il y a des rassemblements de DC 20 régulièrement là-bas ».
C’est le moment que choisit Alain Balzeau pour entrer dans la pièce.
– « Alors les jeunes, ça papote ? Dis Pierre, regarde bien le cockpit à tribord, il y a un peu de peinture qui s’écaille.
– Je vois rien.
– Attends. Prends mes lunettes ».
Si j’en doutais encore, à les voir s’esquinter les yeux sur les trois mini-griffures qui disent encore l’histoire du bateau, ces deux-là se connaissent depuis un bout de temps. J’en profite pour m’approcher d’Alain (qui temporairement donc, ne doit plus y voir très clair) :
– Mais pourquoi il veut un bateau aussi léger, Pierre ?
– C’est pour ses rassemblements en Bretagne, là. Il s’organisent des petites régates dans le Golfe.
– Ah ok… C’est pas juste une histoire de pique-niques…
– Tu parles ! Ils sont à fond, les gars. Et Pierre… il veut gagner !
Bravo quel travail il est extra Pierre
une belle histoire qui ne finit pas ……
En plus de savoir faire marcher les bateaux, (x Triangles du Soleil avec ses frères), même en Méditerranée, Pierre est un amoureux des bateaux qui ont une histoire. Après un Carter 37 si je ne me trompe, le voilà parti pour une histoire de cœur avec un DC 20.
C’est un bateau que j’ai pu apprécier lors d’une semaine du Golfe grâce à mon cousin Frédéric Chevallier.
Bon vent à tous
Jean Marie
Chouette comme rencontre…
Et dire que j’avais des TBS signées Pierre Follenfant…
Pierre tel que je te connaissais pendant l’EDHEC, passionné, tu n’as pas changé !!!
Bravo Pierre. J’ai un beau souvenir d’une ballade en Doris au large de La Rochelle!
A bientôt.